Enon
ENON est une petite ville en Nouvelle Angleterre.
Charlie Crosby y vit avec sa femme et Kate, sa fille, son royaume.
La mort accidentelle de Kate , va briser sa vie et éloigner sa femme. Charlie, seul, s’effondre dans le gouffre creusé par la disparition de Kate, pour s’y « dissoudre », et dans une volonté d’effacement qui laisse toute place à sa douleur.
Cette descente aux enfers est aussi une lutte, une dérive éblouissante, à la limite de la folie, mêlant hallucinations et errances de la drogue, et Charlie doit revenir à sa propre histoire pour ne pas rompre le lien.
Revenir à son histoire, c’est retrouver Kate.
Kate était dépositaire de l’histoire de son père. Charlie lui a fait partager la relation forte qu’il avait avec son grand-père, ce père de remplacement, réparateur d’horloge, maître du temps.
Comme le grand-père dans Les Foudroyés (premier roman magnifique de Paul Harding traduit en France en 2011 ) qui convoque les fantômes d’autres histoires, au moment de sa mort, Charlie ponctue sa douloureuse déchéance par des retours à son enfance, pour retrouver aussi le royaume des morts.
Entouré, accompagné par les disparus qui ont peuplé Enon, ceux qui aliment sa source, et que Kate a rejoints, fantôme lui-même, il recherche ce dont il est fait pour ne pas sombrer, et donner malgré tout un sens à ce qu’il vit.
Comme dans Les Foudroyés, le temps est au centre du roman, il imprime son cours et ses traces dans les paysages, les lumières : ainsi, le vent devient un gigantesque mécanisme faisant tourner l’horloge et parfois, les arbres s’immobilisent.
Le temps de la vie est suspendu.
L’horloge s’arrête et les temps de la narration se mélangent. Rouages indispensables pour que l’histoire existe.
Dans cette tentative de ramener son chagrin aux dimensions de l’univers, et, même s’il est impossible pour lui d’échapper à la douleur, conscient de la force qui le fait encore tenir debout, Charlie devra attendre l’ouragan final, destructeur et purificateur, qui mettra fin au désordre qu’il génère.
Éblouissant et bouleversant.
Monique M
Enon
Paul Harding
Traduit de l'américain par Pierre Demarty
Le Cherche Midi, 2014