Sept maisons en France
Une tragédie se met en place dans ce petit poste militaire belge, isolé au cœur de la forêt congolaise, chargé de surveiller l’exploitation du caoutchouc par les villageois et de contrôler toute éventuelle révolte. Seul le fleuve le relie au reste du monde : les militaires reçoivent par bateau les lettres des familles, la Gazette de Léopoldville, le cours des matières premières. La vie est monotone, accablée par la chaleur. Soirées alcoolisées autour de parties de cartes, tournois de tirs, jeunes vierges enlevées, trompent l’ennui. Amitiés hypocrites, haines sourdes, tissent un maillage de tensions prêtes à exploser. Rêves et ambitions s’alimentent autour d’un fructueux trafic clandestin d’ivoire et d’acajou, en vue d’un prochain retour à la vie civile une fois la fortune amassée.
L’arrivée du taciturne Christosome, tireur d’exception, sobre et chaste, ce qui exceptionnel dans ce monde, déclenche curiosité, jalousie et haine. Se trame alors un faisceau d’aventures sordides qui mèneront au pire, dévoilant les bas instincts de ce petit univers clos.
Atxaga dépeint des personnages hauts en couleurs, met à nu leurs petitesses, leur sottise aussi qui trame le mal et à la mort. Il met à distance faits et sentiments derrière un humour froid, mais l’écriture se fait truculente dans les passages qui soulignent la bêtise de certains stratagèmes dignes des Pieds nickelés.
Le titre semble trompeur ; nous sommes bien au Congo. Et pourtant, il reflète fortuitement les ressorts profonds de cette communauté militaire repliée sur elle-même dans l’enfer de la forêt.
Une lecture qui est captivante.
Jacqueline B.
Bernardo Atxaga - Sept maisons en France
traduit de l'espagnol par André Gabastou
Siete casas en Francia (Zazpi etxe Frantzian), 2011
Christian Bourgois, 2011
330 p. - 20€
Bernardo Atxaga (1951) est invité à la Comédie du Livre 2015. Il écrit en langue basque et traduit dans de nombreuses langues. Son œuvre est variée : romans, nouvelles, essais, poésie, scénarios. Ses nouvelles ObabaKoak -1988- (dont est tiré le film Obaba, 2005) en ont fait l’auteur basque le plus lu et le plus récompensé.