Lisario ou le plaisir infini des femmes
Ce roman qui nous plonge dans le Naples du 17 ème siècle suit un médecin d'origine espagnole obsédé par le plaisir des femmes et donc l'inutilité des hommes si elles n'ont pas besoin d'eux pour arriver à la jouissance.
Mais plus que cela, c'est l'histoire d'un amour entre l'épouse étudiée, épiée par son médecin de mari et un peintre créateur de décors de théâtre.
On est plongé dans cette époque obscurantiste, pleine de violence et aussi pleine de création, très européenne. On suit les artistes de Flandres à l'Italie dans leur parcours artistiques.
Une belle écriture poétique, épique.
M.B
Comme le titre l'indique clairement, l'axe central du roman est résolument féministe, puisque l'héroïne, Lisario, devenue muette à la suite d'une opération, est certes contrainte de se marier avec un médecin charlatan engagé pour tenter de la réveiller et qui cherchera obsessionnellement à comprendre le secret féminin de la jouissance. Mais elle va faire preuve d'une grande force de résistance, voler des livres pour se cultiver, écrire sur des feuillets cachés ce qu'elle ne peut dire, et montrer une volonté d'indépendance farouche pour ne pas rester un corps que l'on manipule à ses aises. On ne peut qu'apprécier le clin d'oeil iconoclaste aux contes de notre enfance, et la satire mordante des attentes masculines en ce qui concerne le rôle des femmes. Heureusement elle connaîtra le véritable amour avec un décorateur de théâtre et scénographe français, au risque d'y perdre peut-être la vie.
Mais si cette fiction est surtout passionnante à lire, c'est parce qu'elle nous livre une véritable fresque de la vie à Naples pendant le célèbre "siècle d'or".
On est littéralement immergé dans les odeurs, la saleté, la misère, la vie des poissonniers, des petits escrocs affairistes comme dans celle de la noblesse corrompue entretenant des domestiques soumises, des anatomistes achetant des corps pour les disséquer, des collectionneurs troquant gîte ou argent contre des tableaux ... Les scènes de foule picaresques illustrent la dévotion de Naples à ses saints, évoquent la brève insurrection de Masaniello contre le vice-roi espagnol puis comment le typhus et la peste ont vidé Naples de ses habitants.
On découvre comment les peintres flamands (tels Piet Van Leer et surtout Michael Sweerts), se regroupaient et se faisaient épauler par les peintres espagnols, comme Juan Do et Ribeiro, artistes reconnus plus introduits chez les mécènes.
La documentation est très étendue, la langue superbe.
Un livre très riche auquel on peut s'intéresser de multiples façons.
N.B
Lisario ou le plaisir infini des femmes
Antonella Cilento
Actes sud
Antonella Cilento vit à Naples et est auteur de plusieurs romans, elle sera présente à la Comédie du Livre 2016, sur le stand du Grain des Mots
Lisario ou le plaisir infini des femmes a reçu le prix Boccace en 2014