Malédiction
Voici un roman qui intéressera nombre de lecteurs bien qu’il ne figure pas au rayon des nouveautés - il a été publié en 2005.
L’auteur est une femme, romancière connue dans son pays où elle a monté sa propre maison d’édition. « Malédiction » raconte les arcanes d’un mariage arrangé, aujourd’hui en Afrique. Les personnages sont Gabonais. Le récit commence au bord de la mer près de Libreville, la capitale. La vie au quotidien est bien décrite, poisson salé aux aubergines, vin de canne à sucre, villageoises chantantes couvertes de kaolin blanc. Un groupe d’hommes en excursion dominicale départage les femmes en « donne-moi » matérialistes et en « femmes valables ». L’un de ces hommes est le héros du roman. Fils de paysans, il a suivi des études universitaires en France et est devenu responsable du laboratoire de géologie d’une compagnie pétrolière bien connue. Il aime d’un amour fort et partagé une jeune compatriote qui, dans quelques mois, va rentrer de France son diplôme en poche, et ils se marieront.
Soudain, coup de tonnerre épistolaire : son père adresse à notre héros l’ordre de se rendre tout de suite au village. « Tu vas épouser la fille de mon meilleur ami ». Ami qui a la particularité d’être un grand sorcier, facteur clé aux yeux du père. Le fils est désespéré, « c’est la pire chose qui peut arriver à un homme de ma génération ». Que va-t-il décider ? Dire non à la tradition, au clan ? A partir de là, (en plus de nombreuses péripéties) se manifestera un surnaturel fort naturel. Des lecteurs estimeront certains événements invraisemblables, mais le sont-ils pour tout le monde ? Non, bien entendu. On pourrait parler d’un nouveau genre littéraire : « gothique africain » ou « ethno-fantastique », ce serait ethnocentrique et se fermer au point de vue de l’autre.
Ce roman illustre l'universalité du conflit des générations et surtout du mariage arrangé. Ce dernier, banalité en Europe il y a à peine un siècle, reste la règle quasi absolue dans un pays comme l’Inde. « Malédiction » plaira à ceux qui veulent mieux comprendre l’Afrique qui change et à tous les passionnés de sciences humaines.
Jean Roseau
Malédiction
Sylvie Ntsame
Éd. L'Harmattan