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« L'homme est une coquille vide qui ne bouge que lorsqu'une femme y entre, que vous l'acceptiez ou non, elle est au cœur de toute préoccupation humaine ».

Voici le très beau premier roman d’un nouveau Faulkner, Ali Zamir, un écrivain du Sud lui aussi, il vit sur l’archipel des Comores. Un monologue de deux cent pages qui se dévore d'une traite est chose rare. Nous ne sommes pas dans la densité granitique de Claude Simon. Une jeune fille raconte son histoire, ses péripéties simples ancrées dans la vie de l’Océan Indien ou universelles : devenir réfugié. Courant de conscience n'implique pas forcément absence de ponctuation, celle d'Ali Zamir n’est faite de virgules et elle est juste, elle n’est pas une litanie mais une psalmodie qui nous plonge dans un état de transe comme le zikr, le balancement régulier du corps des soufis. Mélodie simple sur une seule note cependant vocabulaire luxuriant ; les scènes alternent réalisme, dialogues crus ou intense poésie.

 

Sans être divulgâcheur (comme on dit au Québec), voici une citation du père d’Anguille la narratrice, un pêcheur dont la faconde jamais ne cesse, sauf quand il dort, et encore : « La cigarette est un poison sucré » dit Connaît-Tout. Mais les jeunes fumeurs le rembarrent : « Nous voulons à manger, pas de leçon, ce n'est pas pour toi ce boulot là monsieur Connaît-Tout, ce sont des idées kleenex, tout ça, bas les pattes, les poissons t'attendent, regarde comment la mer est tristement belle et désertique, tu ne trouves pas ». Quant à Désirée, « avec plus de dix garçons à sa suite lorsqu'elle entrait en classe (…) elle sublimait ses lèvres et ses joues avec une espèce de rouge à lèvres très dangereux, pour faire plus de blessés parmi les malades qu'elle n'irait pas guérir, ou je ne sais pas si elle les guérissait tous en silence, elle devait avoir sa roche, elle aussi ». Et une autre femme : « C'est à partir de ce jour que j'avais compris que les yeux ont leur propre manière de dénuder le cœur, ils disent directement et exactement ce que cache et amasse un ciel brumeux, pourquoi je dis ça, j'ai été vaincue sans le savoir car je m'étais laissée aller par leur gourmandise, lorsque Vorace m'avait adressé une espèce de sourire (…) Au lieu de prendre les rames qu'il me tendait j'avais tenu longuement ses poignets et le regardais comme une folle, oui, une malade ».

 

PB

 

Anguille sous roche

Ali Zamir

Le Tripode

 

Anguille sous roche
Ali Zamir

Ali Zamir

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