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Le courage qu’il faut aux rivières traite un thème audacieux, original et déroutant, en nous emmenant dans l’univers du genre et de l’identité sexuelle.

L’histoire se déroule en Albanie (Balkans), en partie en milieu rural et en partie à Tirana, sa capitale. Le personnage principal est une jeune « vierge jurée ». Les « vierges jurées » sont des jeunes femmes qui font vœu de demeurer vierges, et ce renoncement est souvent lié au refus d’un mariage arrangé. Participant à cette tradition ancestrale du nord de l’Albanie, Manushe l’héroïne du roman, abandonne sa féminité, et est autorisée à se comporter comme un homme :  elle porte des vêtements masculins, possède une arme à feu, boit de l'alcool, accomplit des travaux « masculins », joue de la musique, participe aux conversations masculines etc. Comme les vierges jurées, Manushe est donc autorisée à vivre comme les hommes, accède à leurs droits et détient un certain pouvoir, et elle est respectée dans son statut. Célibataire, elle vit dans une certaine solitude. Mais bientôt apparaît un autre personnage, Adrian, une autre vie, un autre parcours qui a aussi à voir avec la question de l’identité et du sexe. Ces deux personnages aux destins singuliers vont se rencontrer, et se reconnaître intuitivement à la fois dans leur différence et dans leur parenté. Manushe est presque surprise par l’émotion qu’elle éprouve en rencontrant Adrian qui ayant subi violences et exclusion est en quête de tendresse, et d’une vraie rencontre.

À travers cette histoire, l’auteure nous parle de notre humanité, des relations interpersonnelles, et montre combien les questions relatives à l’identité et au genre peuvent contenir de violence. Elle interroge le genre, avec ce qu’il contient d’ambigüité, évoque le désir, mais nous amène aussi sur le terrain des rôles et des statuts, des normes sociales, de la liberté individuelle au regard du poids des traditions.

L’histoire nous tient à la fois par son caractère original, une ambiance qui ne laisse pas laisse indifférent soutenue par une écriture poétique, ciselée, avec une recherche de mots rares. L’auteure s’applique au détail qui donne à l’histoire son relief et sa réalité. Des descriptions minutieuses nous font entrer dans un village des Balkans et en ville, l’auteure n’élude rien.

C’est un roman à la fois pour qui aime le travail d’écriture, et pour qui s’intéresse à la question très contemporaine de l’identité et du genre. En outre, on ne ressort pas totalement indemne de sa lecture.

Nathalie Blanchard

 

Emmanuelle Favier / Le courage qu’il faut aux rivières - Ed Albin Michel

Premier roman d’une jeune auteure d’un recueil de nouvelles (Confession des genres, éditions Luce Wilquin, 2012) et de trois livres de poèmes (À chaque pas, une odeur, Librairie-Galerie-Racine, 2001 ; Dans l’éclat des feuilles vives, éditions de la Musaraigne, 2005 ; Le Point au soleil, Rhubarbe, 2012). Sa poésie été primée à deux reprises. Mais elle est également auteure de théâtre et sa deuxième pièce, Laissons les cicatrices (inédit), a reçu le premier prix du concours d’écriture dramatique de la Manufacture des Abbesses en 2013.

 

 

Le courage qu'il faut aux rivières
Emmanuelle Favier

Emmanuelle Favier

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