L'empereur à pied

Dès les premières pages, on est emporté par l’histoire du personnage qui surgit mystérieusement avec ses trois fils. « Un homme qui descend un sentier parmi des genêts en fleurs (c’est donc le printemps) et des chênes verts, dans la lumière fastueuse et riche, avec la neige qui demeure sur les sommets alors que tous les platanes sont en feuilles. Ils avancent entre les massifs de joncs, les noyers et les arbousiers solitaires. Si je ne le vois pas avec précision, je vois qu’il n’est pas unique, il se dédouble, ils sont donc deux, puis trois, puis quatre, je crois qu’il a une peau de bête sur les épaules, comme celle que portent les bergers de la plaine de la Bekaa ».. 

Charif Majdalani nous entraîne ensuite à Naples, puis à Rome, puis au Mexique où se déroulera une des plus stupéfiantes histoires d’amour qu’il soit donné de lire. 

Mais le fondateur du clan est à l’origine d’une malédiction, et au fil des pages nous passons insensiblement d’Homère à Balzac, des mythes fondateurs à une description aux rayon X des milieux d’affaires, l’habileté constante à trouver des opportunités (on ne « fait » jamais autant d’argent que pendant une guerre civile), le mépris pour cet argent dès qu’il est légèrement plus récent, les mariages encore plus arrangés qu’ailleurs, la création par des soyeux lyonnais de mûreraies et magnaneries dans la montagne libanaise (car la demande de soie explose et les Cévennes ne suffisent plus), le dégoût des cadets, « moutons noirs » qui rejoignent les mouvances propalestiniennes et les lendemains tristes. L’auteur, parti des racines d’un clan, nous éclaire sur ce qui se passe aujourd’hui au Moyen-Orient où à cause de « l’Orient compliqué » et autres stéréotypes, les médias occidentaux usent de mots, « chiite », « puissance », « père », « famille », « rétorsion »,  sans toujours bien les comprendre dans leur contexte. 

Un roman à lire sans attendre.

PB

L'empereur à pied

Charif Majdalani

Seuil