Les vestiges du jour
L’attribution – parfois contestée (Bob Dylan, en 2016) du Prix Nobel de littérature – peut conduire le lecteur à partir à la rencontre d’un romancier dont il ignorait parfois quasiment le nom la veille. Ce sera peut-être votre cas à propos du lauréat de l’année 2017, le britannique, né japonais, Kasuo Ishiguro. Naturellement vous choisirez de l’aborder par son écrit de référence, The Remains of the Day (1989), publié chez Calmann-Lévy en 2010 et dans la collection Folio en 2010, sous le titre Les vestiges du jour, et adapté pour le cinéma par James Ivory avec l’impressionnant Anthony Hopkins dans le rôle-titre.
Il y est question du périple de quelques jours que son personnage principal (M. Stevens) accomplit en 1956 au sein de la compagne anglaise. Si l’on oublie la description de celle-ci (qu’il affirme sans équivalent, mais qui n’est ici qu’un prétexte), l’essentiel du récit traite du questionnement par l’intéressé de sa vie de majordome au service de Lord Darlington, un aristocrate au cœur des grands débats internationaux des années 1930. Ce voyage, il l’effectue surtout pour retrouver Miss Denton, longtemps intendante dans la même « maison distinguée », dont il espère ardemment le retour afin… d’en étoffer le personnel.
Le livre contient une description remarquable de l’archétype du majordome britannique des temps anciens et des sentiments nostalgiques d’un homme qui ne se conçoit pas hors de la figure du serviteur qui pense côtoyer des êtres importants et des évènements décisifs pour la paix dans le monde et qui, du coup, passe à côté de sa vie, y compris amoureuse (alors qu’elle est tout près de lui dans la personne de l’intendante de la maison, comme elle le lui confesse dans une belle scène de la fin du roman), tant il se trouve enfermé dans son obsession d’atteindre le statut du « bon majordome » et la « dignité » qui lui est inhérente (la question occupe une large part de l’ouvrage). Conscient de l’abandon inéluctable des temps anciens, il est désormais au service d’un riche américain qui a acquis la vieille demeure distinguée et souhaiterait établir avec lui une relation plus décontractée. Ce désir va peut-être (voir les deux dernières pages) donner une dimension plus ludique à son existence.
Pour autant, on est bien loin de la trajectoire d’un autre serviteur exemplaire, Gustave H., le héros du film The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, 2014), le maître à tout faire du célèbre établissement européen de l’entre-deux-guerres, qui n’hésite pas à entrer dans des aventures extraordinaires, qui lui seront d’ailleurs fatales.
Kazuo Ishiguro est l’auteur d’autres écrits remarqués (L’Inconsolé , Auprès de moi toujours) qui expliquent sans doute sa consécration. Reste à espérer celle de l’un de ses compatriotes (devenu britannique, Ishiguro est Japonais à l’origine), Haruki Murakami, l’auteur de l’envoûtant Kafka sur le rivage, qui l’attend et la mérite depuis trop longtemps.
ML
Kazuo Ishiguro
Les vestiges du jour
Traduit de l'anglais par Sophie Mayoux
Gallimard - Folio -