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Parler de ce roman très particulier de Victor del Arbol a, pour quelqu’un qui a l’âge des protagonistes, un goût singulier. Car c’est la vieillesse qui est au cœur de l’histoire.                                  

Miguel et Helena se rencontrent  à Tarifa, dans une maison de retraite qui porte un nom prémonitoire, « Paraíso », un « monde entre les vivants et les morts ».   Helena espère trouver là un peu de sérénité après une vie où elle a sans cesse couru après ses rêves. Miguel, qui commence à ressentir les premiers signes de la maladie d’Alzheimer, y vient pour ne pas être un poids pour sa fille, elle-même sous l’emprise d’un mari violent et qui ne veut pas être aidée.  Ces deux êtres si dissemblables, l’un qui souhaite « que rien ne bouge » et l’autre qui est en perpétuel mouvement (« il y a des personnes qui sont constituées d’air. et d’autres de terre ») décident, après la mort d’un résident ami d’Helena, de partir, afin que la vie ne s’arrête pas. Helena veut aller à Malmö pour retrouver son fils et dénouer son histoire familiale. Miguel veut revoir celle qui aurait pu changer le cours de sa vie, s’il avait osé. Il veut aussi se mettre en paix avec lui-même et avec son passé avant que sa mémoire s’efface et que tout disparaisse.   Ce voyage vers le nord de l’Europe est en même temps pour le lecteur un voyage intérieur au cœur de deux vies, de deux enfances douloureuses marquées par l’absence et le manque dans des milieux très différents, des destins qui n’étaient pas faits pour se rejoindre et qui vont un temps s’unir de façon symbolique et émouvante.                                                                                                        

Et puis il y a cette ombre qui obsède Miguel, celle d’Amador son père,  jeune républicain dénoncé et condamné à construire avec d’autres le mémorial du Valle de los Caidos. « Notre travail ici consiste à mettre à genoux tous les Amador Gandía de ce pays, à les convaincre que leur passé n’existe plus, qu’ils ne seront plus jamais les hommes qu’ils croyaient être »      

Là, une fois encore, Victor interroge la mémoire, mémoire individuelle qui va s’effacer, mémoire collective qu’il faut  faire vivre (« A quoi bon parler de ce qui n’existe plus ? Pour que ça existe encore grand-père ») mémoire nécessaire. Il y a aussi, au-delà d’Helena,  des figures de femmes que nous croisons au cours du récit. Yasmina, Fatima dont « on aurait dit que ses mains n’avaient plus de rêves ». Des rencontres inoubliables.                                                                                                               

Un roman complexe, à la construction subtile, une belle écriture, à la fois nerveuse et poétique qui sonde l’âme humaine et nous invite nous aussi à continuer à vivre « au-delà de la pluie"   Une belle leçon !                                                                                J’aimerais terminer avec ce qui me semble être, pour Victor, un hommage très personnel à la terre de ses origines, Almendralejo, qu’il évoque ainsi, comme une sorte de madeleine de Proust : « Il se remémora une des rares belles images qu’il avait de son père. En réalité, ce n’était pas un souvenir de lui, mais de son odeur, qui imprégnait un manteau d’adulte que sa mère l’avait obligé à porter un hiver. Miguel se rappelait ses mains dans les poches décousues, l’odeur âpre et sèche de l’hiver d’Extrémadoure et la récolte de l’olive ; l’odeur du moulin à huile et l’odeur de sparte sur le col du manteau. C’étaient les odeurs de son père et de son enfance. Des odeurs de terre dure, de champs immenses sous un ciel bas… »

FJ                  

Par-delà la pluie  

Victor del  Arbol 

Actes Sud                                                                                        

Par-delà la pluie
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