Instantanés

L'exercice qui consiste pour un écrivain à se livrer à l'observation attentive de notre quotidien est ancien pour ne pas dire immémorable. Pour autant c'est Victor Hugo qui avec ses "choses vues" en aura si j'ose dire produit la forme canonique. Par la suite on pensera bien sur à Jules Laforgue. D'autres "hommes de lettres "s'engageront de plein pied au cœur de cet espace ténu où se joue entre écriture et journalisme une certaine capacité à témoigner de nos menus travers comme du sort parfois peu enviable qui est le nôtre.
Une des caractéristiques de l'exercice, outre le pouvoir de dénonciation d'une certaine incurie partagée et généralisée, consiste en l'occurrence en ce que je nommerai volontiers une pratique de la moralisation régulatrice. Alors quoi, un fervent "redresseur de torts" se nicherait au creux des intentions de tout auteur de "choses vues"? Pourquoi pas et ce n'est pas la lecture des "Instantanés" de C.Magris qui nous en dissuadera. Essayiste Triestin dont l'œuvre majeure est unanimement reconnue (pensons à des ouvrages comme "Danube", "Microcosmes" ou encore "Utopie et désenchantement") C.Magris se livre avec "Instantanés"à la proximité de l'intime, au plus petit dénominateur commun de soi à l'autre à l'attention bienveillante, le plus souvent accordée sans présomption "aux foules solitaires"spécifiques de nos mégapoles.
À cet égard lisez ce dernier chapitre du livre intitulé "Selfie" un pur moment exemplifiant à merveille l'insignifiance de nos névroses sociales. De l'ampleur de vue des œuvres de référence à la relation des scories de notre quotidien les bonheurs d'écriture propres à la haute tenue du style élégant sans afféteries aucunes de C.Magris acquièrent force d'évidence. 

CB. 

Instantanés

Claudio Magris

Traduit de l'italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau

L'Arpenteur - Gallimard -