Opus 77
C’est bien l’Opus 77, concerto n°1 pour violon de Chostakovitch, qui est le fil conducteur de ce remarquable roman paru en septembre chez Viviane Hamy. Le récit se déroule le temps qu’il faut à Ariane d’exécuter cette célèbre et difficile pièce musicale, au piano, dans la cathédrale de Genève, où repose le cercueil de son père, le renommé chef de l’Orchestre Suisse Romande.
Ariane, la narratrice, tout en jouant l’Opus 77, s’adresse directement au lecteur pour lui raconter son histoire familiale. S’adresse-t-elle vraiment au lecteur? N’est-ce pas plutôt un message à ce père dont l’aura et l’ascendant ont plombé l’avenir de ses proches ? N’est-ce- pas aussi un appel poignant à David, ce frère tant aimé, brillant virtuose, absent aux obsèques du père ? Sans concession elle dissèque lentement, au rythme des cinq mouvements de l’Opus - les chapitres du livre portant leur intitulé - les secrets d’une famille baignée dans la musique, livre ses comportements obsessionnels. Telle l’Ariane de la mythologie, elle tire le fil qui conduit à la lumière vers laquelle elle veut ramener son frère, lui qui est reclus depuis sa brillante mais fatale exécution de l’Opus 77 à Bruxelles.
Le roman est époustouflant, émouvant. Il est construit en crescendo, écrit note après note, avec un sens du suspens pour dénouer les liens ténus qui enchaînent cette famille et pour dévoiler le rôle fondamental de l’Opus de Chostakovitch dans leurs relations. L’osmose entre la construction du récit et le déroulement de l’Opus que joue Ariane en même temps qu’elle dissèque sa vie familiale, est extraordinaire.
Un roman qui ne s’adresse pas particulièrement aux mélomanes, loin de là. Cependant, les pages relatives au concert à Bruxelles sont d’une extraordinaire virtuosité. Les lire en écoutant l’Opus 77, cette œuvre d’ombre et de lumière, en accentue la beauté.
Un très beau roman.
JB
Opus 77
Alexis Ragougneau
Viviane Hamy