Lettre à D. Histoire d'un amour
Né en 1923, André Gorz était un journaliste connu pour avoir fondé, avec Jean Daniel, le Nouvel Observateur et y avoir tenu une chronique économique plus de vingt ans, ainsi que pour ses contributions à L’Express et aux Temps Modernes. Présenté comme un disciple d’Ivan Illich, il peut être considéré comme l’un des plus importants critiques du capitalisme contemporain et un théoricien majeur de la décroissance et de l’écologie politique. En 2006, à l’âge de 83 ans, conscient qu’il ne pourra plus se lancer dans un nouveau livre de l’envergure de ses précédents ouvrages, il réalise n’avoir jamais écrit sur l’essentiel : sa relation avec son épouse, Dorine (« Pourquoi es-tu si peu présente dans ce que j’écris alors que notre union a été ce qu’il y a de plus important dans ma vie ? »). Elle est condamnée par une maladie (arachnoïdite) qui la fait de plus en plus souffrir. Elle a rapetissé de six centimètres et ne pèse plus que quarante-cinq kilos. Il va donc lui consacrer cet hommage, qu’il dénomme pudiquement récit.
Il est temps pour lui de se livrer à cet aveu bouleversant, de lui dire tout ce qu’il lui doit, en tant qu’homme et en tant qu’écrivain, de lui dire enfin que rien n’aurait été possible sans elle, sans son écoute, sa lumière, sa bienveillance, son amour.
Voici l’essentiel des dernières phrases du livre qui annoncent, non sans espérance, leur suicide en commun le 22 septembre 2007 :
« Tu viens juste d’avoir quatre-vingt-deux ans. Tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais... Nous aimerions chacun ne pas avoir à survivre à la mort de l’autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble. »
ML
André Gorz, Lettre à D. Histoire d’un amour
Galilée, 2006 et Folio