Les pigeons de Paris
Un très vieil homme, au bord de la mort, parle de mémoire de sa vie. Il ne dit pas tout, c’est inutile. Il ne se souvient pas seulement, il témoigne devant des hommes en costume noir. Il décrit le décor, le changement des vies, raconte le souvenir qui a décidé de la venue des fossoyeurs : un bref amour de jeunesse. Il dit l’ancien et le moderne qui se percutent sur la terre d’Extremadure, avant et après l’Europe, toujours avec violence.
Victor del Arból dit de ce texte qu’il est un hommage à son grand-père, d’où une certaine nostalgie : « ce vieil arbre et moi, nous sommes les derniers. Nous sommes cousus par nos ombres »
Il faut lire Victor del Arból pour cette capacité qu’il a d’incarner le narrateur dépossédé de ses lieux de mémoire, de sa vie aussi : il s’est laissé aller , il a survécu , mais n’a pas vraiment vécu, sauf brièvement deux fois, deux fois il a aimé et été aimé. La thématique du vivre ou du survivre est centrale dans l’oeuvre de Victor del Arból.
Dans ce texte apparemment simple, d’une densité rare, tout est évoqué de cette vie d’avant, sans phrases épiques, sans recherche du temps perdu, sans philosophie. C’est juste un homme qui meurt et son monde avec ; aucun auto-apitoiement, aucune pitié, ni rédemption.
C’est une histoire d’amour renouvelée, et la lecture d’un livre recommencée: « les pigeons de Paris », qui n’a rien d’un conte pour enfants : « c’était la radiographie d’un monde vu à travers une fenêtre, un traité de l’âme vu par un oiseau ».
« Il ne reste qu’elle et moi, et une vie inventée entre nous deux », comme une métaphore de l’acte de lire.
Une vie simple, dans le tourbillon de l’histoire, comme un arbre ancré dans un nouveau désert, rien d’important, et pourtant si significatif.
CB
Les Pigeons de Paris (Palomas París)
Victor del Arból
Traduit de l'espagnol par Claude Bleton
La Contre Allée