Le dernier invité
C’est sous l’aile de Julio Cortázar, de ses Cronopios et de leur page blanche qui tue (et tout le sens du livre est là) qu’Anne Bourrel place son dernier ouvrage, « Le dernier invité » paru en 2018.
Ce livre est comme une fuite en avant dont on sait dès le début qu’elle est inexorable et dont on sent, sans savoir vraiment pourquoi, que la chute va être dramatique. Le style est nerveux, précis, rageur à l’image de la rage qui habite la Petite depuis si longtemps, une rage imprimée dans son corps. Et, comme pour l’exorciser, elle court, la Petite, dans la garrigue qu’elle connait si bien. Elle court alors que tout le monde l’attend au village car aujourd’hui elle se marie. Il y aura beaucoup de monde et même ce cousin qu’elle n’a pas vu depuis longtemps et que sa mère a invité. C’est lui le dernier invité.
Difficile de se déprendre de cette histoire, de cette progression implacable. Le lecteur est comme happé, prisonnier de cette ambiance lourde, poisseuse, qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère des romans d’Erskrine Caldwell. Car le sud, celui que nous connaissons, est bien présent. Il y a les odeurs, celle enivrante de la garrigue, celle pestilentielle des champs de bergamotiers qui ont remplacé la vigne, celle fraiche de la rivière. Il y a la musique entêtante des cigales. Et il y a le village, improbable, avec son lotissement, son camping, son maire FN et puis la famille, déclassée, les vieilles rancoeurs, l’opulence disparue, la vie étriquée et les non dits. C’est tout un monde que fait vivre Anne Bourrel à travers des personnages attachants, pitoyables parfois mais humains, tellement humains.
Un roman abouti, fort et qui interroge.
Et une belle écriture !
F. J
Le dernier invité
Anne Bourrel
La Manufacture des Livres