Thésée, sa vie nouvelle
Voilà un récit particulièrement original par son mode d’écriture (juxtaposition du « il » et du « je », insertion de photographies et de passages manuscrits...). Puisant dans les ressources de la psycho-généalogie et, en partie, dans les drames de sa propre famille, l’auteur conte « l’histoire d’un homme qui souffre » et qui « a la charge du survivant », pour reprendre les mots de Camille Laurens dans le journal Le Monde. Un homme broyé par le suicide de son frère aîné, Jérôme, et la mort de ses parents, qui décide de fuir sa ville et son pays pour aller vivre avec ses enfants à L’Est, en Allemagne afin – pense-t-il, naïvement – de mettre derrière lui tous ses malheurs.
Évidemment, il n’y parvient pas, d’autant plus qu’il a emporté dans son exil des cartons de photos et de documents qui le relient directement à son passé, notamment au suicide de son frère et à celui de l’un de ses aïeux, photos et documents qu’il ne va pas tarder à examiner. Son corps, qui porte l’empreinte des drames familiaux, le conduit à questionner la trajectoire de ses parents qui, dans un souci d’intégration au modèle républicain français, ont privilégié leur réussite professionnelle, tourné le dos à leurs traditions (surtout religieuses) et déserté l’éducation de leurs enfants. Plus que questionner, il s’agit de régler des comptes, comme il s’agit d’interroger le frère pendu (« Qui tue celui qui décide de mourir ? Et celui qui survit, c’est pour raconter quelle histoire ? ») – jusque dans le cimetière où il a été inhumé – un frère qui fait reposer la responsabilité de son acte destructeur sur l’éloignement / l’abandon de ses parents. Au bout de ce douloureux chemin d’introspection, notre émigré volontaire accepte de « ne pas avoir honte de demander de l’aide aux morts » (expression qu’il place dans la bouche de l’un de ses personnages) mais semble condamné à demeurer dans le labyrinthe pour y affronter le monstre (i.e. le Minotaure) qui garde les malheurs passés. Avec le Dieu de ses ancêtres comme solution ?
M.L
Thésée, sa vie nouvelle
Camille de Toledo
Verdier