Idées pour retarder la fin du monde
Ailton KRENAK indien du Brésil est une des figures emblématique du Brésil, militant pour les droits des peuples autochtones et pour l'environnement.
Ce petit livre d'une soixantaine de pages rassemble les transcriptions de 3 conférences données à Lisbonne entre 2017 et 2019, portant l’une, plutôt sur la notion d’humanité, l’autre plutôt sur le partage des mondes, et la dernière, plutôt sur le rapport aux sciences.
Ailton K. donne son point de vue sur l'idée d'humanité, et les dégâts faits en son nom depuis les colonisations, jusqu'à la destruction du monde en cours, resituant le contexte philosophique occidental de l'époque : l’Homme Blanc comme détenteur de la Lumière et dont la vocation est d'aller à la rencontre d'une Humanité, restée dans l'obscurité sauvage [...] .
Il note d'ailleurs avec une crue pertinence que cette « aspiration » européenne trouve sa justification dans le « postulat qu'il n'existe qu'une manière d'être sur Terre ».
Cette remise en cause de l'unicité de ce qu'il nomme la « cosmovision », la façon de se représenter le monde, est la clé de voute de son discours.
Tout en analysant les méfaits et l'absurdité de la logique de la « marchandise », il présente les façons de concevoir le monde d'ethnies pour lesquelles le rapport à la Terre n'a pas été altéré dans la création d'un imaginaire humain hors de la « Nature
Il propose de s'inspirer de l'expérience des peuples amérindiens, qui ont déjà survécu à une "fin du monde » et invite à rechercher une communication fructueuse entre les différentes cultures.
« Nous », ici les Occidentaux, devons être attentifs à ce qui se trame en ce début de XXIème siècle. Notamment la nécessité de questionner nos conceptions de la culture, afin de mieux réaliser de la culture dans des rapports d’échanges entre des peuples qui représentent des mondes différents. Après les processus de décolonisation, les mouvements sociaux et culturels de la fin du XXème siècle, ce sont probablement des mouvements de décentrement culturels sans précédents qui sont en train de provoquer des séismes culturels conséquents.
Ce livre est très précieux car il permet un accès direct et rare, du moins en langue française, à la parole d'un intellectuel et activiste indigène, sans passer par le filtre de l'anthropologie.
On pourrait lui reprocher son manque de structure dans l'enchaînement des idées, mais c'est sans doute le propre de la transcription d'une parole. Au delà du constat dramatique de la destruction engendré par notre idéologie, il nous invite à une remise en question radicale de notre point de vue et propose des moyens de s'en extraire.
MF.DG
Idées pour retarder la fin du monde
Ailton Krenak
Éditions Dehors