La vie des morts

Jean-Marie Laclavetine avait déjà abordé le sujet de la disparition tragique de sa sœur, Annie, dans Une amie de la famille (Gallimard, 2019). Il récidive ici dans un registre différent puisque, cette fois, il est n’est plus vraiment question du silence qui a interdit de parler de la noyade intervenue dans la baie de Biarritz le 1° novembre 1968, mais d’entamer, dans l’invisible, cinquante-deux ans plus tard, un dialogue avec la sœur aînée ou, du moins, de lui dire toutes les révélations auxquelles avait pu conduire l’écriture du livre précédent, celles des amis / amies qui l’ont connue, pour lesquels elle n’a cessé d’être présente. Au-delà, le frère plus jeune entend lui parler de la singularité des personnes et des rencontres ayant tissé son existence depuis l’évènement fatal, de ses lectures, de ses proches, de ses propres amies et amis disparus, qu’il lui confie.

Bref, il s’agit d’entrer dans cette « étrange » vie des morts « qui s’occupent à relier entre eux les vivants, ceux qui l’ont été, ceux qui le seront », cette vie à laquelle croyait leur père et que connaît désormais Annie et, plus généralement, de tenter d’expliciter, à cet égard, ce qui est propre à la littérature, à savoir « la puissance mystérieuse de l’écriture », « ce qu’elle rend possible... délivre ou dénoue », sa « mission d’agent de liaison », quand bien même l’auteur ne perd jamais de vue que la littérature « ne soigne rien » et « se contente de nous rendre vivants ». Ce faisant, dans ce beau livre, alors même qu’il veut attester que les vivants parlent des morts et aux morts, Jean-Marie Laclavetine rejoint le poète Emmanuel Moses (Sombre comme le temps) lorsqu’il écrit que « Les vivants pensent que les morts sont muets / Alors qu’ils n’arrêtent pas de parler ».

   M.L

La vie des morts

Jean-Marie Laclavetine

Gallimard -  2021