Pop-Corn Haïku
Les lecteurs assidus de ce blog ne connaissent certainement pas Christian Cosberg, mais sont peut-être familiers de ce genre littéraire délicieux et magique qui nous vient du Japon – le haïku – lequel est, dans ce pays, fortement codifié et illustré par des auteurs majeurs comme Bashô, Buson, Issa, Ryökan et Soseki (pour s’en faire une idée : Haïku. Anthologie du poème court japonais, Présentation, choix et traduction de Corinne Atlan et Zéno Bianu, Poésie / Gallimard, 2002 ; L’Art du haïku. Pour une philosophie de l’instant. Textes japonais traduits par Vincent Brochard, Belfond, 2009). Justement, c’est dans cette figure singulière du poème court qu’excelle Christian Cosberg quand bien même il prend des libertés avec ses règles traditionnelles de confection (5/7/5 syllabes : le haïku ne doit pas être plus long qu’une respiration ; présence du mot-saison destiné à fixer la tonalité du poème). Christian Cosberg est fidèle à l’esprit du haïku, à cette attention (cet effleurement) envers les choses intimes comme à la férocité du temps qui passe. Plusieurs de ses écrits en témoignent (Passage secret, Editions Tapuscrits, 2015 ; Juste la douceur du vent, Editions Tapuscrits, 2016). On y trouve de belles trouvailles, par exemple : « ah cette femme ! / l’apprendre / dans mes bras... » ; « ma mère / pour tout bijou / son dé à coudre » ; « autoroute / Lao-Tseu roule toujours / sur la voie du milieu ».
Son récent Pop-Corn est de la même veine. Il contient des haïkus qui sont, comme l’affirme hautement son préfacier, Bernard Dato, « les couleurs vives de la modernité qui exhalent le parfum diffus de la tradition ». S’y retrouvent toutes les dimensions de ces petits trésors de pensée condensée – non sans rapport avec le procédé de l’aphorisme – que veulent être ces poèmes courts : « avec la pluie / l’enfance remet ses bottes / de sept lieues » ; « accrochés aux bambous / les lampions attendent / la nuit » ; « depuis des lustres / je remonte les volets / comme Sisyphe son rocher » ; « un bout de ciel / entre les immeubles / ma sortie de secours » ; « trois pas sur le sable / partir revenir / comme moi la mer hésite » ; « un peu de ménage / du vinaigre sur le calcaire / des jours » ; « le souvenir / du mot baiser / sur le bout de sa langue » ; « à côté / du centre de tri / la maison de retraite » ; « matin d’élection / je ramène Marine Le Pen / à la maison ».
Il faut ajouter que Christian Cosberg s’est lancé – ce dont il faut le féliciter – dans l’aventure de l’édition (les Editions Via Domitia) dont il n’ignore pas le caractère incertain. Une raison supplémentaire de s’intéresser à lui.
Michel Levinet
Pop-Corn Haïku
Christian Cosberg
Editions Via Domitia - 2021