Celui qui veille
Depuis une trentaine d'années, Louise Erdrich enthousiasme, passionne son public français au travers de romans ancrés dans la transmission de la mémoire amérindienne , dont elle est une héritière du côté de sa branche maternelle.
Dans ce dernier roman, où l'on retrouve le rythme et la beauté de son écriture poétique et aussi épique, Louise Erdrich emprunte à son histoire familiale et à son grand-père le récit d'une lutte que durent mener bien des tribus indiennes, et qui débuta dans les années cinquante .
Le gouvernement étasunien décida avec la Résolution 108, de mettre en place la « termination », qui consistait à abroger les traités de nation à nation, donc à supprimer totalement toutes les tribus .
Dans ce roman polyphonique, Thomas Waszhashk, double du grand-père de l'auteure, est le président du conseil tribal de la Bande des Indiens Chippewas de Turtle Moutain, en tête de liste pour être « terminée ».Veilleur de nuit à l'usine de pierres d'horlogerie, il dort peu car il rédige sans cesse les courriers indispensables pour se présenter avec des membres de sa communauté devant le Congrès et défendre son peuple .
Le deuxième personnage central ( totalement fictif), est Patrice nièce du premier, qui ne veut surtout pas qu'on la nomme par son diminutif. Il est droit honnête, loyal, elle est battante intelligente et curieuse . Elle découvre la grande ville, Minneapolis, en partant à la recherche de sa sœur disparue . L'occasion de découvrir la société urbaine et comment elle « assimile » les Indiens
Ils sont entourés des hommes et femmes de la réserve, perdus entre les deux cultures, ou bien totalement enracinés aux terres qui leur restent et aux traditions respectées des ancêtres . C'est un roman foisonnant grâce à la danse incessante des personnages dans ce qui les lie, les déconcerte, et surtout dans ce qu'ils ne veulent pas perdre .
Des chapitres courts et parfois trépidants pour saisir ce qui fait la force ou l'incapacité des êtres dans un système politique qui veut les anéantir.
Du très tragique, au plus léger, telle la vie, de l'hiver glacial au renouveau du printemps, un grand plaisir de lecture, qui embrasse une part de l'humanité .
MLMT
Celui qui veille
Louise ERDRICH
Albin Michel