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                 Au fond Linda Lê ne nous aura jamais entretenus que de ce que André Breton nommait avec toute l'ampleur poétique qui fut sienne, revendiquée haut et fort, clouant le bec des "grandes têtes molles" de son temps (mais ne sont-elles pas atemporelles?) à savoir "cet infracassable noyau de nuit".

De l'exil l'histoire familiale de Linda Lê en est comme tant d'autres, la nuée des "déplacés",  profondément imprégnée. L'exil comme horizon, comme implacable devenir elle en savait intimement la morsure persistante . Si d'aventure le lecteur hâtif devait occulter ce substrat, cet humus tumultueux il prendrait le risque de ne pas discerner dans sa précipitation ce qui innerve puissamment l'écriture tendue des livres de Linda Le. Et ce n'est certes pas un hasard si  en exergue de "Par ailleurs" figure un mot de Maurice Blanchot, "Qui écrit est en exil de l'écriture là est sa patrie où il n'est pas prophète". L'exilé en quelque sorte est assigné au "non lieu", à la déterritorialisation à la fois concrète, mesurable en autant de voies subies, de frontières franchies (ou pas) mais cette perte d'espace pour soi peut se traduire pour l'exilé par un retrait régressif de la communauté humaine, "l'exilé, s'il n'y prend pas garde, risque de se renfermer en lui-même, devenir réfractaire à toute acculturation". Se saisissant de l'attrait mortifère ferment d'un double exil, d'une "double peine"comme disent les journalistes, soit l'effacement de l'autre, l'exil en soi, Linda Lê cherche un voisinage,une fraternité plausible. Elle agrège ses "veilleurs de nuit"pourrait-on dire en une sorte de congrégation élective. Si projet il devait y avoir de sa part ce serait me semble t-il celui de "Par ailleurs"livre particulièrement émouvant quand elle évoque Marina Tsvetaeva "Elle était toujours allée à rebours de son époque" ou encore l'injustement oublié Imre Kertesz "En somme, pendant plusieurs
décennies, il a été ce que les gouvernements dictatoriaux appellent un"un ennemi de l'intérieur"... La cinquantaine d'écrivains qui composent les "bienveillants" de Linda Lê ne constituent en aucune manière une quelconque galerie de portraits ou pire encore un panorama d'auteurs "iconiques"(revoilà nos plumitifs) mais un compagnonnage. Oserait-on le mot résolument hors d'âge de "chevalerie"d'encre et de plume? Dans un ouvrage consacré à Kafka(on peut s'étonner de ne pas le rencontrer ici) par Deleuze et Guattari on lit ceci  : "Une littérature mineure n'est pas celle d'une langue mineure, plutôt celle qu'une minorité fait dans une langue majeure". Linda Lê résolument a habité livre après livre (plus d'une vingtaine tout de même!) ce territoire de vigilance en parfait sismographe de nos apocalypses séculières comme de nos lignes de fractures intimes. Forcément minoritaire à l'instar de toutes celles et ceux dont elle nous confie ici la mémoire, toutes et tous écrivains majeurs, toutes et tous exemplaires de cette "littérature mineure"!

Linda Lê n'est plus, elle fut invitée à la Comédie du Livre,  je suis de ceux nombreux, à n'en pas douter, qui n'auront pas oublié sa voix.

C.B

Par ailleurs (exils)
Linda Lê

Linda Lê

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