Les Enfants endormis

Dans ce livre , qui n'est pas vraiment un roman - comme l'indique l'éditeur en 4ème de couverture – Anthony Passeron mène une double enquête, l'une sur le sida, l'autre sur un membre de sa famille, son oncle Désiré.
Dans son enquête sur le sida, l'auteur relate de manière précise les faits concernant cette terrible maladie, depuis l'apparition des premiers malades aux USA en 1981, les interrogations de certains médecins sur leurs symptômes quand d'autres persistent à n'y voir que la résurgence d'une maladie déjà connue, la compétition entre les chercheurs francais et américains pour s'attribuer la découverte du virus en 1983, la terrible classification des victimes en quatre groupes ( les 4H : hémophyles, homosexuels, héroinomanes, haitiens ), les recherches pour trouver une thérapie qui s'accentuent, les échecs, le nombre croissant de victimes, le prix Nobel attribué tardivement aux chercheurs français en 2008 et un chiffre effrayant : 36 millions de victimes à ce jour. C 'est une enquête très intéressante, très bien documentée et qui nous rappelle combien de souffrances, d'espoirs, de déceptions ont connu à la fois les malades et les soignants.
 La deuxième enquête de l'auteur est celle menée dans sa propre famille, installée dans un petit village dans l 'arrière pays niçois. Son oncle Désiré est décédé en 1987 quand Anthony Passeron n 'avait que trois ans, il a donc peu de souvenirs de cet oncle dont plus personne ne parle . Il se souvient de sa cousine, la fille de Désiré, il pose des questions, il regarde des photos, il visionne des films faits par son père, il s'interroge sur le silence fait autour de la disparition de ce membre de la famille et finit par comprendre le déni écrasant du clan quant à la cause de sa mort. Comme beaucoup d'autres malades, Désiré a été gommé dans l'histoire d'une famille honorable, incapable d'affronter le regard des autres, d'accepter la vérité. Par cet ouvrage, son neveu lui redonne une place dans l'arbre généalogique, sans jugement, sans pathos, sans nier la souffrance des autres membres de la famille, sans reproche quant à leur déni. D'une écriture fluide, le récit d'Anthony Passeron  nous rappelle que chaque histoire familiale renferme sinon des secrets, parfois des non-dits qui peuvent nous faire porter un poids trop lourd. Un récit à découvrir tant pour l'enquête sur une cruelle maladie que pour l'exploration des liens complexes dans une famille meurtrie.

MP

Les Enfants endormis

Anthony Passeron

Globe