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Ce livre fait partie de la collection « Ma nuit au musée », chez Stock, qui propose à des auteur-es de passer une nuit dans un musée de leur choix . À charge ensuite de transmettre leurs émotions, sensations...
Lola Lafon n'a pas hésité pour aller passer une nuit dans l'Annexe où Anne Franck , sa famille et quatre autres personnes ont vécu deux ans . Ce choix s'est imposé à elle . Alors que ses proches, sa famille lui répétaient que c'était une idée folle.

Aucune œuvre à contempler, devant lesquelles rêver, imaginer, dériver. L'Annexe est vide, et si peuplée de fantômes. L. Lafon en sait déjà plus ou moins long sur les absents dont on ne peut parler, elle qui est juive et dont une partie de la famille a été exterminée .

L'auteure s'interroge beaucoup sur sa légitimité à être « là », et bien qu'elle revisite et superpose l'histoire d'Anne Franck et celle de sa famille, elle ne les assimile pas .
Et surtout elle redonne à Anne Franck sa vraie place d'auteure, elle raye avec fermeté les clichés , qui ont depuis notre adolescence masqué la personnalité de cette jeune fille . Grâce aux travaux de Laureen Nussbaum ( qui fut l'amie d'Anne Franck), elle insiste sur les censures qui n’ont jamais été la volonté d'Otto Franck. La puissante industrie cinématographique américaine, et le désir politique de pays européens de recouvrir le nazisme ( et la collaboration) d'un voile opaque, afin de construire une nouvelle unité, ont largement contribué à mettre Anne Franck à une place de gentille adolescente qui tenait son journal .

p. 121 « On enseigne aux jeunes filles la résignation, elles attendent, occupent leur journée, scandent sur des cahiers l’écoulement de leur peine, le journal est prison dans la prison, en fuite vers l’intérieur, bouteille à la mer » in « Le moi des demoiselle » de Philippe Lejeune.

Mais ce n'est pas le cas d'Anne Franck, qui, apprend-t-on, écrit et réécrit son journal, rature, rajoute, sans se censurer, car elle veut être lue et publiée après la guerre.
« Anne n’œuvrait pas pour la paix. Elle gagnait du temps sur la mort en écrivant sa vie. N’oubliez pas ceci, insiste Laureen Nussbaum : Anne Frank désirait être lue, pas vénérée. Hannah Arendt qualifiait l’adoration dont elle est l’objet de “sentimentalisme bon marché aux dépens d’une immense catastrophe”... Elle n’est pas une sainte. Pas un symbole. Son Journal est l’œuvre d’une jeune fille victime d’un génocide, perpétré dans l’indifférence absolue de tous ceux qui savaient. »

Dans ce récit, où l'émotion de L. Lafon affleure si souvent, mais avec une grande pudeur, une retenue si juste , on suit à la fois la jeune fille disparue et celle qui est là enfermée pour une nuit . Ce qui est important dans ce récit n'est pas uniquement redonner sa place d'écrivain à une jeune juive assassinée, c'est aussi parler de cette page d'Histoire , et ce récit est à mettre absolument entre toutes les mains, avec le Journal d'Anne Franck, sur lequel on aura un regard neuf et étayé.

MLMT

Quand tu écouteras cette chanson

Lola LAFON

Stock

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