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En page de garde de ce roman Laura Ulonati choisit en exergue  la  dédicace que Virginia écrivit à sa sœur pour son livre « Night and Day » -(je propose la traduction de la Pléiade ), « A Vanessa Bell Mais j'ai cherché en vain les mots qui pourraient suivre ton nom ». Que veut souligner l'autrice,   Indifférence  ? Provocation ? Ou bien aucun mot n'est suffisant pour dire l'amour total et insupportable qui les unit ?  Le décor est planté pour ce roman, où rien , jamais, ne sera simple entre les deux sœurs.
 Vanessa, celle qui a toujours voulu être artiste, peintre qui a connu de façon éphémère la reconnaissance, qui a regardé grandir l'immense talent d'écrivain de Virginia est la narratrice. L'encombrement durable que représente pour l'aînée cette cadette vulnérable et trop futée quand elle est enfant, très vite trop perspicace, trop  sensible, si intelligente, toujours là, là où elle ne la veut pas .
Rivalité , adoration, répulsion, jalousie, Vanessa  est amante, mère, possessive et forte, ou faible et calculatrice, mais elle a le sentiment qu'elle ne gagne jamais . Parce qu'elle n'a pas donné toute la place à sa peinture ? Car elle désirait trop Clive ? puis Duncan ? Et avoir des enfants ? Rien  n'est affirmé : Entre le Je de Vanessa et celui de Laura ( l'autrice) tant de frottements, de sentiments mêlés...
Toujours en creux dans la vie de Vanessa, Virginia est là. Elle doit  la comprendre et  la protéger, puis l' abandonner  à Léonard qu'elle commence par mépriser, lui le petit  Juif prêt à bouffer à tous les râteliers.  Partager l'amour de Virginia avec Léonard, et puis Vita, est au- delà de l'acceptation souvent.
Et Virginia lui écrit peu après son mariage : Si Virginia Stephen t'effrayait, tu devrais avoir peur de Virginia Woolf .
La peinture de cette incroyable famille et de sa bande d'ami-e-s - intellectuels, artistes, aristocrates, libre-penseurs, dans une société londonienne post- victorienne est admirablement servie par l'écriture De Laura Ulonati . Écriture  organique, insolente, tour à tour  tendre et feutrée, douce  pour les lumières tamisées qui ombrent les morts, (il y en a tant!)  mais aussi cinglante,   dans la densité crue et offensive  qu'un tableau de Bacon quand les désirs s'exposent .

Ma sœur est  morte .
Elle s'est noyée dans l'Ouse.
Pas le Tibre, la Seine ou la Tamise,
rien de noble ou de surfait
pour charrier son corps, un simple gris
de fleuve traversé de pays plats ( …)
(…) Ma sœur est morte .
Un midi de mars, elle s'est coulée dans la marée
du  printemps.
Elle s'est coulée pour voir
jusqu'où c'est profond dans le noir .

Un livre à la grâce désobligeante .

MLMT

 

DOUBLE V 

Laura Ulonati  
Actes Sud

 

Double V
Laura Unaloti

Laura Unaloti

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