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Il faut se souvenir de la dédicace qui ouvre « Un millón de gotas » (« Toutes les vagues de l’océan ») : « A mon père et à nos murs de silence ». On pourrait dire que « El hijo del padre » est le moment, dans le parcours de Victor, où ces murs de silence ont été rompus.                                                               

Dès la première page, tout s’est déjà accompli : Diego Martín, ce professeur d’université, spécialiste de Dostoïevski, qui semble avoir réussi sa vie, a torturé et tué Martín Pierce dans la Casa Grande et a appelé la police.

En même temps il nous est également dit que ce n’est pas l’essentiel de l’histoire, que l’essentiel est ailleurs et que  le temps des héros est révolu : « Para ser hombre hay que negarse a ser Dios » (Albert Camus, « L’homme révolté ») est-il rappelé dans la préface.                                                                                                                                                                 

Et c’est en effet de l’histoire des hommes qu’il est question ; des hommes invisibles, attachés à cette « tierra de barro » (terre de boue) qui les a modelés. Taiseux, durs à la tâche, exploités, traversant et subissant l’Histoire collective en essayant seulement de survivre. C’est l’histoire d’une famille, celle de Diego, sur trois générations, une véritable saga familiale. C’est aussi l’histoire d’un lieu, la Casa Grande, où les drames se nouent et se dénouent. Histoires individuelles emportées dans et par l’Histoire collective. Récit non linéaire, comme un puzzle qui nous tient en haleine et dont nous découvrons, au fil du récit les différentes pièces. Nous allons d’une époque à l’autre, d’un endroit à l’autre mais nous ne sommes pas dépaysés car nous retrouvons des lieux que nous connaissons : La Russie, le Maroc, l’Extremadura, Barcelone. Et en même temps, nous sommes fascinés par le parcours de Diego, son ascension sociale, sa part d’ombre, sa relation avec sa petite sœur Liria, si fragile, sa place, compliquée, dans sa famille.            Ce qui fait de ce roman un moment particulier dans l’œuvre de Victor c’est que, de façon évidente il se dévoile, s’interroge sur lui-même et rend un hommage émouvant à sa famille. Nous l’accompagnons à Torrebaró « el centro de su geografía emocional »  Il dit : « Fui el primero de mi familia en ir a la universidad… Recuerdo la emoción de mi madre, el silencio de mi padre, el abrazo de Octavio, la sonrisa irónica de Alberto, el aplauso de Gloria, la mirada ignota de Liria. Todos ellos a su manera me decían que yo cargaba ahora con el peso de nuestra historia, la de los de abajo, los invisibles, una responsabilidad que no había pedido porque sabía que no podría soportarla durante mucho tiempo »    (J’ai été le premier de ma famille à aller à l’université… Je me souviens de l’émotion de ma mère, du silence de mon père, de l’accolade d’Octavio, du sourire ironique d’Alberto, du regard perdu de Liria. Ils me disaient tous à leur façon que je portais sur mes épaules le poids de notre histoire, celle de ceux d’en bas, les invisibles, une responsabilité que je n’avais pas demandée et que je savais ne pas pouvoir supporter pendant longtemps.)                                   Mais c’est surtout à son père qu’il pense lorsqu’il dit : « Poder volver un día y mirarle a los ojos para decirle : « Soy igual que tú. No eres mejor que yo ». Y cuando imaginaba ese momento veía en el fondo de los ojos de su padre un brillo de reconocimiento, una palmada en el hombro, unas palabras : « Yo también soy orgulloso de tí, hijo. . ( Pouvoir revenir un jour et le regarder dans les yeux et pouvoir lui dire : « Je suis comme toi. Tu n’es pas meilleur que moi. » Et quand il imaginait ce moment il voyait au fond des yeux de son père une lueur de reconnaissance, une claque dans le dos et ces mots : « Moi aussi je suis fier de toi, mon fils ».) Ce père qui ne sera nommé par son nom qu’à la toute fin du livre. Un livre à la lecture parfois éprouvante parce qu’il dérange nos propres certitudes. Un livre qui se termine sur la très belle lettre d’un père à son fils et qui est comme le signe d’une réconciliation, d’un apaisement.

F. J

Le fils du père

Victor del Arbol

Actes Sud

Le fils du père (El hijo del padre)
Victor del Arbol

Victor del Arbol

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