Berlin pour elles
C’est un joli roman, voilà l’adjectif qui me vient spontanément sous la plume.
À Berlin dans l’après guerre, derrière le mur, au coeur de la guerre froide, deux fillettes font connaissance autour d’un bac à sable et deviendront de grandes amies. Mais le monde des adultes, le monde politique ne peut soutenir de telles amitiés, fussent elles aussi naïves et désintéressées que celles-ci. L’une est la fille d’un couple bien installé dans la société de la RDA, dont le père est fonctionnaire de la STASI, alors que l’autre est la fille d’une femme célibataire, ouvrière et indépendante, critique à l’égard du parti, bref pas dans la ligne. Pourtant les deux mères se lieront elles aussi d’amitié jusqu’à ce que le censeur interdise à son épouse de fréquenter cette femme libre.
Autour de ces personnages centraux, d’autres personnages circulent : un petit frère dont les deux fillettes s’occupent, un pasteur contestataire politique accompagné d’un drôle d’individu marginal grimé en clown dont vous découvrirez les origines – je ne veux pas divulgacher- et le fils de ce pasteur qui deviendra voyou en grandissant, exercera chantage et pouvoir tant auprès des filles et se livrera aux petits et grands trafics avec l’ouest.
On suit ainsi des trajectoires de vie qui disent en filigrane l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe.
Traversant vingt ans d’histoire de la RDA, avec toute le dureté que l'on peut imaginer, c’est malgré tout un joli roman car il fait la part belle aux sentiments gratuits, à la solidarité entre des personnes écrasées par un pouvoir totalitaire, des enfants et des adultes qui rêvent d’autre chose, il montre que toutes les formes de résistances sont possibles et que l’amitié et l’amour peuvent vaincre.
L’écriture est alerte, au service de l’histoire, juste et sensible.
N.B
Berlin pour elles
Benjamin de Laforcade
Gallimard