La morelle noire
Une fois encore j’ai délaissé les grands axes et emprunté les chemins de traverse et j’ai découvert un livre rare, où l’on entre comme par effraction, « La Morelle Noire » de Teresa Moure, une autrice galicienne.
La Morelle Noire est une petite baie qui soigne mais qui peut être dangereuse et qu’on appelle aussi Belladone, Bella Donne, belle dame. Et c’est bien de belles dames qu’il s’agit ici, de dames un peu sulfureuses parce qu’elles revendiquent d’être libres.
On sait, quand on referme le livre, que tout a dû commencer par de vieux papiers qui dormaient dans un vieux coffre dans un grenier et que découvre par hasard Inès, une jeune étudiante qui fait une thèse sur Descartes à l’université de Saint-Jacques de Compostelle. Les vieux papiers racontent l’histoire de deux femmes liées par ce même homme, René Descartes.
La première est Christine de Suède, éprise en secret du philosophe qu’elle invite à séjourner à sa Cour. Bisexuelle, grande intellectuelle, refusant le rôle qui lui est assigné, elle abdique à 28 ans pour pouvoir mener la vie qu’elle souhaite.
La seconde, Hélène Jans est herboriste, guérisseuse accoucheuse et un peu sorcière, a une liaison avec Descartes dont elle a une petite fille qui meurt très tôt. Elle assume de vivre en femme libre. C’est elle qui parfois utilise la morelle noire.
Quant à Inès, qui a été élevée dans un environnement exclusivement féminin et un peu rock and roll, elle décide d’abandonner Descartes et sa thèse et d’écrire l’histoire de ces deux femmes.
Mais il y a plus, car derrière Inès, dans un jeu de miroir fascinant, se cache Teresa Moure elle-même, l’autrice, professeur de linguistique à l’université de Saint Jacques de Compostelle et aussi romancière.
Ces histoires qui s’entrecroisent, qui forment comme un kaléidoscope ou sont comme les morceaux d’un puzzle, se lisent comme on lirait un roman d’aventures, mais un roman d’aventures d’une grande force poétique. On y entre comme on entrerait dans un tableau hollandais du XVIIème siècle car il y a dans la langue une lumière et un grain particuliers que la traduction de Marielle Leroy rend à merveille. Et au-delà du message ouvertement éco- féministe, ce livre a, sur le lecteur, ou la lectrice, un véritable pouvoir de fascination. C’est un de ces livres dont on a du mal à se défaire.
F.J
La Morelle Noire
Teresa Moure
Traduit par Marielle Leroy
Éditions de la Contre Allée