Les voisins
Régulièrement, les éditeurs nous régalent en déterrant et en rassemblant les écrits de jeunesse de grands écrivains.
Publié aux États-Unis en 2022, et aujourd’hui en français, ce recueil de nouvelles de la grande autrice noir américaine Diane Oliver nous plonge dans l’Amérique des années 50-60, principalement dans les États du Sud Est qui vivent encore sous les lois ségrégationnistes de Jim Crow.
Œuvres de jeunesse dont seules 4 ont été publiées dans des revues littéraires à l’époque, ces nouvelles nous présentent cette Amérique noire à hauteur d’enfant et d’adolescente : les conséquences d’une inscription à l’école des blancs du petit frère, une famille qui se réfugie dans la forêt pour échapper aux menaces et élever leur enfant tranquille, un mariage mixte mal assumé, la sensation de décalage d’une adolescente noire lors d’un séjour en Europe, une difficile intégration à l’université, une mère qui espère le retour de son mari, parti gagner sa vie dans le Nord pendant qu’elle gère seule ses enfants, la gêne d’une employée de maison… dans ces 14 nouvelles, partout le racisme, la ségrégation, la misère… le Sud poisseux et le Nord crasseux, et ces jeunes qui ont déjà tout compris, qui portent le lent combat de la conquête de leurs droits.
Diane Oliver porte une attention aux détails des faits et gestes qui en disent plus que les grandes réflexions. Elle nous parle de leur quotidien, de son quotidien. Son écriture nous plonge dans un univers que nous ne devons surtout pas oublier avec une précision cinématographique. Parfois, le récit devient difficile à suivre mais reste la sensation immersive. Puissante.
Quand elle écrit ces textes, Diane a à peine 20 ans… elle fait déjà la preuve d’une maturité incroyable et d’une grande maitrise littéraire… elle s’essaye à changer de style, elle ose des formes plus poétiques parfois.
Oui, on aurait aimé découvrir dans Les Voisins quelques textes de jeunesse de Diane Oliver comme savent les déterrer les éditeurs, au bénéfice d’un thé partagé avec une vieille dame de 80 ans qui aurait accepté de publier quelques brimborions de son œuvre. Mais Diane Oliver n’a pas laissé d’autre œuvre derrière elle, juste cet embryon Ô combien prometteur. Aucun éditeur n’est venu partager un thé avec elle à la maison de retraite. Car elle est morte en 1966, à 22 ans, dans un accident de moto. Et ce livre est tout ce qu’il nous reste d’elle, rendu possible par le travail acharné d’un éditeur britannique qui a retrouvé la sœur de Diane qui, elle, a osé fouiller dans de vieux cartons. Raison de plus pour vous précipiter.
F. de B.
Les voisins
De Diane Oliver
Traduction de Marguerite Capelle
Buchet.Chastel