Manuel de survie à l’usage des incapables
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Manuel de survie à l’usage des incapables
Thomas GUNZIG
Editions Au Diable Vauvert
La première partie commence par une incroyable chasse à la baleine. On se sent tanguer dans le bateau, battu par les vagues et les vigoureux coups de queue de l’animal, se prendre des rafales d’eau salée plein la poire, tirer sur les cordages, pointer les harpons, tout ça comme si on y était, on se dit chouette, je n’ai jamais lu Moby Dick, c’est parti pour un roman maritime plein de bruit, de flotte et de fureur. En fait, non. Dans une banlieue de banlieue, quelque part en France ou en Belgique, par là, dans un étrange écosystème, la vraie vie a fleuri autour du Centre commercial, à la fois temple de la consommation, ultime lien social, horizon économique indépassable et seul pourvoyeur d’emploi. Thomas Gunzig y met en scène les destins croisés d’une caissière quinquagénaire tôt virée, des ses 4 voyous de garçons de couleurs, d’une cadre commerciale très physique et championne de la logique de marché (si je ne te marche pas sur la gueule, c’est toi qui risque de marcher sur la mienne), d’un vigile trop velléitaire, d’un géant noir responsable de rayon et trop amoureux, d’une spécialiste de la sécurité – le tout sur fonds de tripatouillages génétiques, de valeur marchande, de vendetta familiale et d’univers banlieusard à la limite du carcéral. Comme toute fable d’anticipation, Thomas Gunzig mène un récit qui allie de forts enjeux dramatiques (le côté héros à la dérive dans un polar urbain à la Manchette) et un didactisme politique de bon aloi qui fait tour à tour sourire et frémir (et tant pis si le final est moins surprenant qu’espéré). Très, très malin et rondement mené, avec pessimisme et légèreté, tout ce qu’on aime…
Arnaud C