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7 Mai 2025
La version française de « Nadie en esta tierra », « Personne sur cette terre » de Victor del Arbol vient de paraître. On y retrouve ce qui fait la force et la profondeur de ses romans, dans la construction de l’ensemble et dans les éléments de l’histoire. « Sommes-nous des héros ? Sauver Chinchilla, l’enfant, et à travers lui sauver tous les enfants du monde. Le sauver pour se sauver soi-même. C’est ce à quoi s’engage Julián Leal, l’inspecteur au nom symbolique, protagoniste de « Personne sur cette terre » Protéger, coûte que coûte, ce que nous avons de plus cher, l’ultime lumière de l’innocence, ce que nous étions avant que le monde ne nous dévore. Un dernier acte d’héroïsme que personne ne nous a demandé et que personne n’attend. Et dont personne ne nous sera reconnaissant. Tout simplement choisirde faire ce qui s’impose, quel qu’en soit le prix. Parfois, quand il n’y a plus rien en quoi on puisse croire, quand il n’y a plus rien à perdre, il est possible de choisir une cause, un acte ultime qui dignifie toute notre existence. Et d’en payer le prix. Et face à Julián Leal, une voix mystérieuse, exubérante et magnétique, qui se répand comme une tache d’huile et laisse une traînée de cadavres dans son sillage. Un personnage qui plairait à James Ellroy, qui nous fascine par sa méchanceté élégante, le sourire élégant de l’assassin qui nous séduit avec ses citations de l’Histoire sans fin et son regard libéré des codes de l’éthique et de la morale, du Bien et du Mal. Quelqu’un que nous devrions haïr, rejeter, et qui pourtant nous hypnotise comme un serpent.
Deux hommes s’affrontent, deux visions de la même réalité dans lesquelles le lecteur est piégé, comme tous les personnages qui gravitent autour. – Waldo le libraire, Clara Fité la journaliste, l’inspectrice adjointe Virginia, l’inspecteur adjoint Soria, le terrible homme-loup et Restrepo. Tous les personnages ont le choix et la possibilité de choisir de quel côté ils veulent être.
Et chacun de leurs actes aura des conséquences, certaines insoupçonnables.
Nous-mêmes, les lecteurs, nous aurons la sensation troublante que, devant nous placer du côté de l’inspecteur, nous éprouvons pourtant une attirance irrésistible pour son contraire. Le choix sera simple. Parce que personne sur cette terre n’est complètement innocent, personne n’est complètement coupable. Personne n’oublie le passé et personne ne pardonne.
Et quelle est cette terre ? Le village de Julián ? L’Espagne de 2015 ? Les souvenirs d’enfance ? Les enfants perdus de la capitale du Mexique ? Peut-être est-ce le roman lui-même qui nous attrape et nous entraîne vers l’abîme même si nous nous y refusons. Oui, « Nadie en esta tierra » est un roman policier : trafic de drogue sur la côte de Galice, journalistes torturées au Mexique, énigmes, mystères et apparences. Mais c’est beaucoup plus que cela. C’est l’amitié de cinq adolescents dans les dernières années du franquisme, c’est l’impunité du Pouvoir, et l’histoire d’hommes et de femmes anonymes qui l’affrontent. Et à chaque page la même question : C’est quoi être un héros ?
Dans un monde qui a porté aux nues le culte des vainqueurs au-delà de toute autre valeur, peut-être qu’être un héros n’implique pas l’épique, la victoire et la reconnaissance. C’est peut-être ne pas se laisser séduire par le relativisme moral, ne pas courber l’échine devant l’évidente déroute quotidienne, ne pas regarder ailleurs quand les autres ferment les yeux. C’est rallumer l’étincelle de notre révolte comme le chante Bruce Springsteen dans le roman « Il faut une étincelle pour rallumer le feu ». Lutter avec nos armes pour que d’autres, demain, vivent sur une terre plus juste.
F.J
Personne sur cette terre
Victor del Arbol
Traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco
Actes Sud