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Publié par Marc Ossorguine

Raymond, il s’appelle. Sur la scène il nous parle de la vie. La sienne. Mais pas seulement la sienne. Celle des autres aussi. La vie en général quoi. La vie et les épreuves que l’on traverse bon an, mal an. La soumission révoltée au père, la mère un brin sur-protectrice qui a toujours peur de tout, les amis insupportable, les amours rêvées et trahies… Des choses bien ordinaire en somme. La vie comme un match de foot, avec ses péripéties, ses stratégies plus ou moins claire et aussi ses trucages. C’est que l’homme a été entraîneur, que les images des matchs l’ont marqué à jamais et qu’il ne cesse de s’en inspirer. C’est que dans le monde du foot selon Raymond (les amateurs de foot auront sans doute deviné quel Raymond belge a inspiré celui de cette pièce), c’est comme dans la vie, il arrive des choses parfois si improbables, si illogiques, mais aussi si miraculeuses, qu’on ne peut ni les oublier ni vraiment les comprendre. Il y a, ici comme là des secondes décisives où tout bascule, où l’impossible se réalise. Parfois ce sont aussi les rêves qui s’effondrent pour pas grand chose. Pour presque rien.

Est-ce la faute des gens si les rêves d’un gamin de quatorze – qui en paraît douze comme bien des gamins de quatorze ans – tape à chaque fois sur la barre transversale quand par extraordinaire il a l’occasion de tirer au but ? Même pas sûr. Le père est méchant, simplement méchant. La mère toujours apeurée. Impossible en plus de comprendre ce qu’ils font ensemble, ce qui a pu un jour les réunir. L’entourage non plus n’est pas des plus réjouissant, dans ce monde d’huissiers. Un  monde où, au dire de Raymond, être con semble être une sorte de norme incontournable. Une sorte de devoir moral. Une devoir ou une obligation que Monsieur Pannekoek ou Snotebelle (Raymond ne se rappelle plus bien du nom) applique avec un brio inégalablement lamentable.

T’as déjà rencontré un con ? Un vrai con ? Un con tellement con que tu crois qu’il te fait une blague ? Un con tellement con qu’il peut rester des heures à regarder un mur en ne pensant vraiment à rien.

Que si des médecins lui branchaient un truc sur la tête, sur l’écran, ce serait tout plat, comme chez un mort.

Peut-être que tu as déjà rencontré un con comme ça ?

Eh bien Monsieur Pannekoek ou bien Monsieur Snotebelle, il était encore plus con que ça.

Le mètre étalon du con.

Et dans la famille Pannekoek ou Snotebelle, la famille con, le jeune Raymond a du supporter le fils, qui a quatorze, lui, en faisait dix-huit… C’est d’ailleurs ce qui a tout fait dérapé. Ce qui produit la phrase, puis la gifle et la porte qui claquent… Alors dans la rue que passe Tineke…

Dans une langue qui cousine avec la verve et l’inventivité d’un Michel Audiard, avec une ironie désabusée, parfois cruelle mais pas réellement méchante, Raymond nous livre sa leçon de vie. Un peu brouillonne. On peut s’y retrouver, même on n’y connaît rien au foot.  On se retrouve tous un peu hors-jeu, à un moment où un autre. Ça fait aussi partie du jeu. Surtout si les autres ne s’en rendent pas comptent. Ou font comme si. D’ailleurs, des quatre théories de Raymond, la plus importante, c’est sans doute la cinquième…

Ma cinquième théorie sur la vie, c’est que la vie, parfois elle te fait des blagues, mais elle a vraiment un humour bizarre.

Thomas Gunzig, un auteur belge édité au fin fond de la Camargue. Etonnant ? On a vu encore plus surprenant dans le monde du foot, non ? En tout cas on se réjouit de le lire et le relire, en théâtre, en nouvelle ou en roman. Un de ces auteurs qui fait du bien, même, surtout, quand il raconte la connerie qui peut envahir nos vies et nos quotidiens.

Thomas Gunzig – La stratégie du hors-jeu – Au Diable Vauvert, 2016
(la pièce a été créée à Bruxelles, sous le titre Raymond, avec Josse DePauw, mis en scène par Manu Riche)

A découvrir Au Diable Vauvert : des nouvelles (Le plus petit zoo du monde et Assortiment pour un vie meilleure) ; des romans (Mort d’un parfait bilingue, Kuru, 10000 litres d’horreur pure et Manuel de survie à l’usage des incapables) ; du théâtre (Et avec sa queue, il frappe ! et Borgia).

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