Photos volées
« Je marche, j'ai 58 ans passés, et j'ai une vieille voiture, je pourrais bien en acheter une autre. Dans 4 ou 5 ans, je devrais peut-être vivre avec moins que le Smic. J'avance dans la nuit, parfois je prends un appareil photo »
Jean, le narrateur, prend avec fatalisme la perte de son emploi de bureau. Tout en continuant les démarches nécessaires pour obtenir des indemnités et s'inscrire à Pôle Emploi, il déambule dans Paris et dans la proche banlieue où il habite depuis longtemps le même appartement et s'interroge sur la direction qu'a prise son histoire personnelle : ne s'est-il pas surtout laissé porter par les évènements, sans chercher à les diriger ou les maîtriser ?
Maintenant qu'il est sans emploi du temps, il a tout loisir de laisser vagabonder ses souvenirs, de se remémorer encore et encore des moments clés de son existence, dont certains auraient pu l'engager sur une autre voie. Certes , la vie a filé sans qu'il s'en rende vraiment compte, mais il lui reste de son passé un bien précieux, tangible : les nombreuses boites de photos et de pellicules qu'il avait mises de côté et qu'il se remet à trier et à étudier.Et c'est grâce à ces photos et à celles que de nouveau amis lui demandent de faire que Jean va peu à peu se recentrer, reprendre confiance en lui, accepter de sortir de sa solitude.
Le narrateur avance ainsi par petites touches pour nous livrer son intimité, dans un style très fluide, avec beaucoup de phrases inabouties, à l'instar des photos tremblées qu'il déclare particulièrement affectionner. Et le lecteur peu à peu devient comme un confident qui écouterait cet homme pudique et réservé lui parler de ses regrets et de ses espoirs et croire en définitive en la possibilité d'envisager un avenir à deux .
L'apparence volontairement décousue de ce monologue cache en réalité une construction complexe où s'entrelacent les allers-retours entre passé et présent, entre Paris et banlieue., entre amis « de toujours » et nouvelles relations.
Un livre attachant et sincère, où, comme dans Modiano, on retrouve l'empreinte et l'emprise des lieux sur les gens , notamment les paysages urbains : les gares, les cafés, la Seine. Tout un territoire autant affectif que géographique que l'on arpente au quotidien et qui sert de repère à la mémoire.
Nicole B
Photos volées
Dominique Fabre Editions de l'Olivier
Dominique Fabre sera au Grain des Mots le vendredi 7 Novembre à 19h