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   Le roman ne vient pas de sortir, mais il mérite qu’on le revisite, ne serait-ce qu’en raison de sa veine jubilatoire, si nécessaire en ces temps de confinement face aux ravages du covid19. Romancier, dramaturge, auteur de nouvelles, acteur, son auteur n’hésite pas à se confronter à l’une des interrogations majeures : Jésus est-il, oui ou non, le Fils de Dieu ? Naturellement, il le fait à sa façon, en romancier et non en historien. Nulle prétention chez lui d’avoir découvert un nouvel Evangile apocryphe après ceux de Judas, Thomas, Marie-Madeleine… Simplement un exercice de pure fiction mais qui s’appuie sur une connaissance remarquable des textes bibliques.

    Le livre se compose de deux parties : le premier tiers est un prologue qui met en scène Jésus dans l’attente de son arrestation et de son procès ; les deux autres tiers constituent, à proprement parler, L’Evangile selon Pilate. Forcément, les deux éléments sont inextricablement liés par la présence de l’interrogation évoquée plus haut. Jésus (Yéchoua de Nazareth), qui dans un premier temps, récuse en sa personne toute participation à la Divinité, en vient progressivement à se persuader qu’il pense et agit en fonction des desseins de son Père qu’il rejoint en plongeant dans un immense puits d’amour, notamment après sa rencontre avec Yohanân le Plongeur (i.e Jean le Baptiste) et son apôtre le plus proche, Yehoûdâh Iscarioth, le seul à voir vraiment en lui l’Elu de Dieu et à croire en sa résurrection, soulevant l’opprobre de sa famille et la colère des Pharisiens et des Saducéens, maîtres du Sanhédrin, qui méditent sa mort. Pilate s’exprime au travers de lettres (en tout vingt-quatre) qu’il adresse régulièrement à son frère Titus, demeuré à Rome. Au début, on a affaire au Préfet de Judée dans toute sa splendeur, son arrogance de serviteur de la toute-puissance de l’Empire romain, froid, rationnel, prosaïque. Mais deux évènements vont le déstabiliser profondément : d’abord, le comportement de son épouse, une romaine de haute lignée, Claudia Procula, qui tente de le dissuader de faire exécuter Yéchouah avant d’adhérer à son message au point de se trouver auprès de la croix avec les Saintes femmes : Myriam de Nazareth, Marie de Magdala et Salomé ; ensuite, la rumeur persistante de la disparition du corps du crucifié et de sa résurrection. Le haut fonctionnaire impérial perd petit à petit de sa superbe, envoie ses cohortes à la recherche du corps dont il pense qu’il a été dérobé, attribue la responsabilité du méfait, successivement, à Hérode, à Caïphe, à Yoseph d’Arimathie, à Nicodème, Yohanân (i.e l’apôtre Jean, l’auteur présumé du quatrième Evangile) et finit par partir à la recherche de son épouse sur les routes de Galilée où Yéchouah serait présent et où il finit même par le rencontrer.

    On le voit, beaucoup d’invraisemblances, mais que l’on suit sans hésiter vraiment grâce au remarquable talent de conteur de l’auteur. L’année suivante, en 2001, Eric-Emmanuel Schmitt ira carrément à la rencontre d’un autre personnage tout aussi important de l’histoire – mais pour des raisons diamétralement opposées – Adolf Hitler. Dans La part de l’autre, il développera avec brio une uchronie dans laquelle ce dernier, ayant réussi à entrer à l'École des beaux-arts de Vienne, ne serait jamais devenu le monstre nazi que l’on connaît. Le livre provoquera une sérieuse controverse, son auteur se voyant reprocher d’idéaliser la personne d’Hitler. Mais n’est-ce pas le risque pris par tout écrivain qui entend revisiter les grands moments et / ou personnages de l’Histoire, quand bien même il le fait sans aucune prétention scientifique ?    

Michel Levinet
 

Eric-Emmanuel Schmitt
L’Evangile selon Pilate. Roman, Albin Michel, 2000

 

L'Évangile selon Pilate
L'Évangile selon Pilate
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