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« Sur une île, c’est un coup dur quand on refuse de te saluer ». C’est pourtant ce que vit Irène, peut-être parce que comme le lecteur tout un temps, l’autochtone méfiant ne sait si Irène est un poisson, un amphibien, un oiseau, ou une femme, mais dans ce cas ce serait une migrante. Alors, Irène se sent elle-même, toutes les elles-mêmes, dans la mer. C’est là que commence son histoire, avec la rencontre d’un dauphin, l’un de ceux qu’elle va rejoindre la nuit pour jouer avec eux, leur parler et libérer au couteau les poissons de la nasse qui les enferme. 

Orpheline « trouvée sur la plage après une tempête », Irène subvertit son destin et fait de l’Égée le milieu où elle vit quand « elle se glisse entre deux vagues avec un bruissement de doigts qui ouvrent une tente ».

Au fil du récit sans mots d’Irène, le narrateur découvre les limites de son identité simple, veut s’en désincarcérer « Si j’étais un autre homme….si j’étais un autre homme… », plonge dans ses souvenirs et dérive de la Tanzanie au système solaire, du « ciel incrusté d’étoiles » aux fourgons blindés de la dictature et nous dérivons avec lui, portés par une écriture  nourrie d’une sensualité diffuse et de pensées entremêlées à des images qu’on pourraient trouver dans des livres de contes pour enfants : « Un bateau a fait naufrage. Il transportait des animaux dans des cages. La quille s’est déchirée. Un tigre libéré par le choc est resté à la surface. Les dauphins ont tourné autour de lui pour l’encourager. Ils l’ont poussé hors de l’eau puis d’eux d’entre eux l’ont pris sur leur dos et l’ont porté jusqu’au rivage ». La richesse de l’image permet peut-être d’y voir plus qu’une parabole de la solidarité plus forte que la férocité.

Histoire d’Irène ne compte que quelques dizaines de pages, il se peut pourtant que le lecteur avance lentement parce que le récit parle tout à la fois à la pensée philosophique, à la pensée amère d’un monde où les embarcations « des empilés » versent et coulent, à l’imaginaire, à la rêverie et la rêvasserie, et nous fait faire retour sur nous-mêmes alors qu’il traite des identités des autres.

On lit ce livre en apnée.

E.B

Histoire d’Irène

Erri de Luca

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            

 

Histoire d'Irène
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