L’amour moderne

D’emblée, le titre et le nom de l’auteur de ce roman intriguent.
Un mode d’emploi de développement personnel ? Une question sociologique ? Philosophique ? Rousseau définit comme moderne  le fait : « d’être partisan des Lumières les sciences, arts et inventions récentes » ; moderniste, se fier à : « un pacte social fondé sur la bonté naturelle de l'homme, le culte de la liberté individuelle et l'authenticité ».

La lecture de L’amour moderne, met en valeur l’originalité d’une syntaxe sobre et de bon goût soutenant le projet de romancer littérairement le récit d'existences de faits criminels et violences sexuelles. Sont explicitement désignés, les actes dégradants commis par des individus tristement célèbres. (Epstein, Weinstein, « versions maléfiques » de Gatsby de Fitzgerald). À ceci s’ajoute une intrigue sentimentale ironiquement vaudevillesque (comédie sans prétentions psychologiques ni morales, fondée sur un comique de situations, d'intrigues et de quiproquos.). Une actrice de cinéma « démodée » ; « Albane était l’anagramme de banale », mariée à un ignoble producteur, « un des mauvais génies » du récit, s’entiche d’un auteur de théâtre « dépassé ». 

Les scènes et dialogues du trio (mari et amants) instruisent avec des effets de réel « affirmant la proximité entre le texte et le monde réel concret », selon Roland Barthes, « L’Effet de réel », 1968, une réflexion sur la configuration possible de l’amour contemporain à l’ère de Me Too.

Le cadre fictionnel focalise le XVIe parisien chic, calme et secret des années 1990 à 2024. On suit le héros quadragénaire doublement malheureux : à l’inverse de ses camarades, il n’est pas polytechnicien mais artiste intermittent en manque de créativité.  Traumatisé par son divorce autant que sidéré par la mort de son ami du collège de jésuites de Franklin (rebaptisé Loyola) tué sauvagement par son propre père, Ivan Kamenov s’étiole et promène son mal de vivre dans les demeures et restaurants honorablement bourgeois. 

La trame du récit associe la question d’aimer réciproquement au XXIe siècle à une perspective historique faisant valoir les exemples de quelques-uns des tortueux parcours amoureux des non moins terribles V. Hugo, O. Wilde, V. Woolf…

Ayant mené sa méthode d’examen via sa romance basée sur une critique des mœurs des individus (qui rappelle les analyses d’égos, de la Rochefoucauld, XVIIIe siècle), l’auteur contemporain recommande au lecteur d’explorer à son tour des circonstances favorables manifestant les traits et caractères des divers amours modernes dignes d'être appréciés par ceux qui les incarnent.

Par exemple, l’avant-dernier sous-titre du sommaire du roman La Fugitive suggère un destin d’émancipation possible pour Albane : « Quelque chose se libérait en elle ».

Au lecteur d’imaginer la suite de la vie du personnage soit en roman feuilleton, c’est-à-dire des épisodes fragmentés pouvant bouleverser l’existence d’Albane, soit en série qui forme un ensemble cohérent moins libératoire. 
 

C.D

L’amour moderne

Louis Henri de la Rochefoucauld

Robert Laffont