Le Voyant d'Étampes
Jean Roscoff est un universitaire à la retraite à la carriére médiocre, devenu alcoolique, divorcé mais pas remis de la séparation d'avec Agnès et père de Léonie qui est en couple avec Jeanne . Pour tenter de " remettre les choses à l'endroit " , il décide de " recaver une dernière fois " , c'est-à-dire se refaire comme au poker .
Il se lance donc dans l'écriture d'un essai sur un américain, Robert Willow, exilé en France au début des années 50 pour fuir le maccarthysme, musicien de jazz introduit dans les milieux existentialistes, puis mystérieusement retiré à Étampes pour y écrire de la poésie et mort dans un accident de voiture au début des années 60.
Dès la parution de son essai, Jean Roscoff se trouve au cœur d'une polémique, accusé d'avoir présenté R.Willow essentiellement comme militant communiste, omettant de mettre le focus sur le fait qu'il était « racisé », noir donc. Il suffira d'un post sur un blog pour que se développe une folle campagne de dénigrement contre Jean Roscoff, pas armé pour se défendre. Il a beau tenter de se justifier en rappelant son engagement au sein de SOS Racisme dans les années 80, tout se retourne contre lui.
L'auteur aborde ainsi le thème de l'engagement, que ce soit celui de R.Willow auprès de Sartre, Beauvoir, Camus au sein du PC dans les années 50, celui de Jean Roscoff auprès de Julien Dray, Harlem Désir, Coluche, Bashung dans les années Mitterrand, pour nous amener à considérer ce que sont les nouvelles formes de militantisme actuelles, ceci à travers des personnages croqués avec talent, comme les portraits savoureux d'une éditrice, d'un agent immobilier à la Stéphane Plaza, de Jeanne, militante féministe ardente et cruelle, de l'ami Marc, avocat brillant, aisé, aux récentes ambitions politiques, et bien d'autres.
Ce roman aborde des thèmes graves, la force et la cruauté des réseaux sociaux, le rôle des médias qui se transforment vite en tribunal, il dépeint la nouvelle gauche « Woke » ( conscientisée ), le nouveau féminisme, le nouvel anti- racisme radical, la « cancel culture«, ses personnages utilisent les nouveaux concepts d'intersectionnalité , d'appropriation culturelle, de privilège blanc.
C'est un roman dont le propos est dense, mais dit sur un ton enjoué, allié à une belle habileté romanesque, le dernier chapitre par exemple nous réserve une belle surprise !
M.P
Le Voyant d'Étampes
Abel Quentin
Éditions de l'Observatoire