L’histoire de Mother Naked

Après les voyages autour de la terre, voici un voyage dans le temps, au cœur de la terre, de la terre d’Angleterre au Moyen âge, à l’époque des seigneurs, des marchands, des serfs et des ménestrels. 
Mother Naked, quel drôle de nom pour un ménestrel… mais si vous écoutez son histoire, racontée devant les marchands et seigneurs de Durham, un soir pluvieux de Saint Godric de 1454… vous découvrirez un roman d’une totale actualité et dont la dimension politique ne peut nous échapper. 
Certes, on y boit beaucoup de bière « au goût comme le bain d’un français » quand c’est Joan Deepslough qui la brasse, on se désole pour les mauvaises récoltes et on se plait à rêver d’étoffes soyeuses, on assiste, impuissant, au développement des rumeurs et des calomnies entre voisins, on tremble devant le spectre qui a détruit tout un village, … mais on y parle avant tout de rapports de classes (ça fait du bien de revenir aux fondamentaux), d’abus de pouvoir, de pédophilie, de mères à bout, de misère et d’injustice d’une société… qui n’est pas sans rappeler la nôtre, qui sait si bien assigner les plus pauvres à résidence et reproduire les inégalités.
Avec un humour noir particulièrement caustique, en 100 petits chapitres qui se dévorent comme autant de bonbons, Glen James Brown nous raconte une histoire en forme de poupées gigognes, qui nous plonge de plus en plus profondément dans la vie d’une famille du Moyen-âge, façonnée par les drames et la misère. Mais je vous rassure, si ce roman est effrayant, il n’est jamais triste, il est même jouissif !
« Il y a même une taxe à payer après la mort. Et si quelqu'un ose remettre en question le pourquoi du comment, la réponse est simple – parce que c'est la coutume et qu'on a toujours fait comme ça. »
« Un monde où le paysan et l'homme instruit gagnent le même salaire est un monde dangereux. Où cela mènera-t-il ? Est-ce que je dîne avec mon chien ? Célèbre la Pentecôte avec mon meilleur cochon ? ».
« Permettez-moi de retirer ces étoffes pour que vous, élégants fumiers, puissiez admirer la merde qu'il y a en dessous »
Venu pour réjouir l’assemblée et chanter les louanges de ses hôtes, le ménestrel va progressivement installer le malaise et l’administrer jusqu’à la lie… pour notre plus grand plaisir, car la vengeance, ça peut aussi se déguster bien au chaud au coin de feu, une bonne bière à la main. Un gros coup de cœur.

F de B

L’histoire de Mother Naked 
Glen James Brown

Éditions du Typhon