La fabrique des salauds

Un roman nécessaire qui nous fait traverser le XX°s au coeur de notre vieille Europe.

Le récit historique est incarné par une famille dont l’évènement fondateur est l’assassinat du grand-père, pasteur protestant par les bolchéviques en 19 05 (à l’image de la mère qui ne prononce jamais les centaines, l’ensemble de la famille ne prononce que les dizaines. Pour 1905 ils disent donc :19/5). Le roman démarre à Riga dans cette zone de l’Europe alors russe. Ce roman nous rappelle entre autre, comment ce vaste territoire d’Europe a été découpé au gré des guerres, des alliances, des luttes de pouvoir : Riga est passé de l’empire allemand, à la Russie puis…

Le berceau de la famille se situe à Riga, elle vit donc dans les pays Baltes mais appartient à la minorité allemande.

Le narrateur, Konstantin Solm dit Koja, a un frère, Hub. Leur relation oscille entre amour et haine, solidarité et trahison. Une sœur adoptive Ev rejoint la famille, dont l’origine est ignorée, puis dissimulée quand elle est identifiée. Ev se mariera trois fois.

Le roman débute à la fin de la vie de Koja qui est hospitalisé après avoir pris une balle dans la tête. I l partage la chambre d’un hippie qui lui sert d’exutoire pour raconter sa vie et celle de sa famille.

Ce roman est l’histoire à la fois d’un continent et d’une famille, les deux imbriqués, l’un révélant l’autre. Trahisons, amour et haine : l’histoire de cette famille est une métaphore de l’histoire de ce siècle, roman terrifiant précisément parce que l’histoire du XX°s. est terrifiante.

Notre héros, Koja- qui est un salaud narcissique et menteur– suivra son frère et rejoindra les Einsatzgruppen - commando nazi chargé de tuer par balles les ennemis des nazis et les juifs – dans le contexte de l’offensive contre la Russie. Réalisme total de la part de l’auteur pour nous décrire la guerre et ses massacres. A la fin de la guerre, Koja passera à ce qui fut l’ennemi et ne fera que répéter cette trahison : il deviendra espion, pour un Etat, puis entrera dans le contre-espionnage et finira au Mossad, s’étant entre temps converti au judaisme.

Ce roman a un caractère cynique mais il nous permet de regarder en face notre vieille Europe et son histoire. C’est en cela que c’est un roman nécessaire.

N.B

La fabrique des salauds

Chris Kraus

Belfond