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Ce livre, « Antes de los años terribles » est sans aucun doute Le Livre que son auteur portait en lui depuis longtemps, une sorte d’accomplissement. Mais du temps était nécessaire, huit ans environ et six autres livres pour pouvoir écrire cette histoire-là. « He escrito la novela. Sé que dije que nunca podría, pero nunca es demasiado tiempo » (J’ai écrit le roman. Je sais que j’ai dit que jamais je ne pourrais, mais il n’est jamais trop tard).                                                                                                         

Pourquoi était-il si difficile d’écrire ce livre ? Parce que, sans doute aucun, il vient du plus profond et qu’il nous plonge au cœur de l’horreur, de l’indicible : l’histoire d’Isaías, l’un de ces milliers d’enfants soldats privés d’enfance, enlevés à leur famille et enrôlés de force dans l’armée révolutionnaire du Seigneur de Joseph Kony, en Ouganda, dès la fin des années 80 et  jusqu’au début des années 2000. Enfants séquestrés, violés, transformés en tueurs par un gourou illuminé et psychopathe : « Despojar a un niño de toda fe y toda esperanza es como arrancar de raíz  un retoño que todavía no es fuerte para defenderse, algo que morirá solo » (Dépouiller un enfant de toute foi et de toute espérance c’est comme arracher à ses racines un bourgeon qui n’est pas encore assez fort pour se défendre, quelque chose  qui mourra seul). Nous  sommes embarqués dans un voyage au cœur des ténèbres, dans l’ombre tutélaire de Joseph Conrad convoqué à plusieurs reprises.                                                  

Difficile aussi parce qu’il est écrit à la première personne. Pas de narrateur omniscient, un engagement total. Isaías se raconte et se dévoile sans aucune complaisance, avec une lucidité impressionnante, cherchant, dans la mesure du possible, à se réconcilier avec lui-même : « Un hombre que no está en paz con lo que fue no es un hombre entero »  (Un homme qui n’est pas en paix avec ce qu’il a été n’est pas un homme complet.) La souffrance d’Isaías, nous la ressentons profondément et le mot compassion prend ici tout son sens. Con-padecemos. Cette souffrance, c’est aussi celle de celui qui lui tient la main et c’est la nôtre.     

 Ce, vous l’avez compris, très beau roman, je n’en dirai pas plus, il faut le découvrir. Il est ce ces livres qui laissent en vous une trace indélébile. Je parlerai seulement de cette très belle fin ouverte, comme des mots écrits sur le sable : « Nuestra memoria serán los otros ; ellos construirán el relato de lo que fuimos. Luego vendrá el viento y el olvido. Como si no hubiéramos existido y sin embargo estuvimos aquí. » (Les autres seront notre mémoire. Ce sont eux qui construiront le récit de ce que nous avons été. Puis viendront le vent et l’oubli. Comme si nous n’avions pas existé. Et pourtant nous avons été ici.)

F.J

Victor del Arbol 

« Antes de los años terribles » (Destino mayo 2019) « Avant les années terribles » (Actes Sud septembre 2021)

Avant les années terribles
Victor del Arbol

Victor del Arbol

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