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    On connait l’avocat, combattant inflexible de la peine de mort (L’Exécution, Grasset, 1973), le Professeur de droit, le Ministre de la Justice, l’auteur d’un ouvrage, écrit en collaboration avec son épouse Elisabeth, qui compte sur Condorcet (Fayard, 1988). Avec Idiss, qu’il présente comme « un témoignage d’amour de son petit-fils », Robert Badinter s’engage dans une tout autre dimension en rendant un double hommage à sa grand-mère maternelle et à la France, terre d’asile de nombre de Juifs persécutés jusqu’à la trahison du Régime de Vichy.
    Idiss, sa grand-mère maternelle, était issue de la Bessarabie, terre de pogroms terrifiants – comme celui de Kichinev en 1903 et 1905 –, que ses deux fils, Avroum et Naftoul, quittent pour s’installer à Paris. Avec son époux Schulim et leur fille Chiffra / Charlotte, la mère de l’auteur, ils abandonnent quelque temps plus tard leur village du shtetel pour la vie urbaine de la capitale française. Ils habitent ensuite à Fontenay-sous-Bois. Charlotte va faire la connaissance de Samuel / Simon, le père de Louis et de Robert Badinter, né comme sa future épouse en Bessarabie, qui va s’établir comme négociant dans la pelleterie et y prospérer. La famille retourne à Paris dans le XVI° arrondissement, à Passy. Idiss ne cesse de résider avec sa fille, son gendre et leurs deux enfants. Pénétrés des idéaux égalitaires de la Révolution française, rêvant d’assimilation et de réussite sociale, Charlotte et Simon élèvent Louis et Robert dans l’amour de la France. Pacifiste et internationaliste, Simon Badinter soutient le Front populaire. La débâcle de 1940, l’arrivée du collaborateur Pétain et l’occupation allemande constituent un choc terrible. Idiss, qui ne parle quasiment que le yiddish, vit dans l’angoisse de voir les siens et elle-même pris par les Nazis. Par précaution, Louis et Robert partent vers la Zone libre rejoindre leur père. Charlotte et Naftoul restent à Paris pour soigner leur mère atteinte d’un cancer à l’estomac qui l’emporte le 17 avril 1942. La suite est dramatique : victime d’« un état français plus antisémite dans ses lois que la Russie tsariste de son enfance », Simon Badinter est arrêté à Lyon le 9 février 1943 sur ordre de Klaus Barbie, conduit à Drancy en mars 1943, puis transféré dans le camp d’extermination de Sobibor ; âgée de soixante-dix-neuf ans, sa mère, Schindler Badinter, est arrêtée par la police française lors de la rafle du 24 septembre 1942, puis perd la vie dans le convoi qui la mène à Auschwitz ; Naftoul Rosenberg est arrêté à Paris sur dénonciation et déporté à Auschwitz le 29 juillet 1942. Aucun des trois n’est revenu.
    Le récit est sans emphase, poignant, juste dans le ton quand il décrit les conditions de vie des immigrés juifs russes arrivés à Paris avant 1914, la prégnance de l’antisémitisme des années trente et la trahison des idéaux républicains par le gouvernement usurpateur de Vichy. Il mérite d’être lu comme tous les autres grands témoignages de la Shoah, ce crime absolu.  

Michel Levinet

Idiss

Robert Badinter

Fayard

 

Idiss
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