Impossibles adieux

Née en 1970 en Corée du Sud, l'autrice a débuté l'écriture comme poétesse. En 2016, elle a remporté le Booker Prize pour son roman la Végétarienne . Engagée politiquement elle fut sur liste noire lors d'une précédente présidence . Elle est également musicienne. Elle enseigne à Séoul et vient régulièrement à Paris dans le cadre du centre culturel coréen.

Corée du Sud de nos jours : Inseon gravement blessée à la main est hospitalisée à Séoul , elle demande expressément à son amie Gyeongha de rejoindre l'île de Jeju où elle vit, car elle craint que son perroquet meure de soif et de faim . C'est décembre, il fait très froid et l'amie part sans délai, quasiment les mains dans les poches. A sa descente d'avion sur cette île qu'elle connaît peu, il y a une énorme tempête de neige. Rallier la maison tient de l'épopée, perdue, glacée dans la tempête de neige Gyeongha arrive miraculeusement à destination, mais ce n'est pas la fin d'un séjour aux accents parfois cauchemardesques .

Dans ce récit, se mêle l'histoire contemporaine et la Grande Histoire .
Gyeongha qui part à l'aventure sur l’île de Jeju, est habitée par ses cauchemars récurrents envahis par la mort, la neige et de mystérieux troncs d'arbres noirs .
La maison d'Inseon, cinéaste documentariste recèle de nombreuses archives sur le massacre perpétré à Jeju par l'armée en 1948/49, sur 30 000 civils parce qu'ils étaient soit- disant communistes. Inseon a minutieusement compilé l'histoire terrible de sa propre famille .

De nos jours, le voile est à peine levé sur cet épisode sanglant qui fit près de 350 000 morts en Corée du Sud . (On devra peut-être, comme je l'ai fait, aller se documenter sur l'histoire de la Corée du Sud, pour mieux comprendre les questions qui hantent les deux héroïnes . )
Interrogée sur son roman, Han Khang dit « c'est un roman d'amour immense, comme une bougie allumée dans l'abysse de la nature humaine »

La tempête de neige est la métaphore silencieuse et glacée des tourments des deux amies, et de la chape de plomb qui peine à être soulevée en Corée du Sud .
Il faut se laisser aller au pouvoir hypnotique de la lenteur d'un roman écrit de façon très poétique, accepter de se perdre dans l'entre-deux onirique, la réalité fantastique où la place des morts est à la table auprès des vivants .

Gyeongha suit un chemin initiatique terrible et complexe, on ne sait à la fin du roman si elle a trouvé une voie rassurante . Le chemin que nous suivons , nous lectrices et lecteurs est d'une stupéfiante beauté poétique .

MLMT

Impossibles adieux

HAN KANG

Grasset