Sanction
Qu'est-ce qui distingue un texte littéraire du procès-verbal d'un conseil d'administration ou encore des attendus d'un jugement sinon la complexité en ce qu'elle laisse entrevoir le non-dit ?
F Von Schirach est avocat de la défense au barreau de Berlin donc familier de cette "part obscure" qui fait de tout individu un potentiel "prévenu".
Familier aussi de la machinerie judiciaire. Inutile de trop insister sur l'analogie entre le déroulement d'un procès et une performance théâtrale. C'est précisément de ce théâtre-là, de sa dramaturgie, de ses didascalies implicites, parfois inattendues, incongrues, voire étranges que s'inspirent, se nourrissent toutes les nouvelles qui composent "Sanction".
Très brèves (deux ou trois pages), plus étoffées, chacune sous couvert de description objective des faits, des circonstances, des lieux, produit sur le lecteur un imparable trouble. La simple description d'un paysage incite au doute comme si ce qui se donne pour le réel devenait soupçonnable d'un trop plein de vraisemblance.
La phrase de F von Schirach subrepticement laisse poindre la faille. Et c'est aussi, c'est d'abord l'infinie plasticité de "l'âme humaine" en ses tortueux détours qui plaide pour la résurgence ambiguë d'un implicite possible... toujours cette "obscure clarté".
Ferdinand von Schirach, un avocat certes, un écrivain sans nul doute.
CB
Ferdinand von Schirach
Sanction
Traduit de l'allemand par Rose Labourie
Collection Du monde entier
Gallimard