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Est-il encore nécessaire d’inciter à lire l’auteur de Rue des boutiques obscures ? Peut-être. Essentiellement pour s’adresser à celles et ceux qui estiment qu’il écrit toujours la même chose. Mais les grands auteurs – que l’on songe, par exemple, à Auster, Balzac ou à Joyce – ne pétrissent-ils pas sans se lasser la même matière humaine, les mêmes interrogations, les mêmes désespoirs et, ainsi que le relève opportunément la romancière espagnole Rosa Montero, ne sont-ils pas « toujours en train de lécher (leurs) blessures les plus profondes » ?

Au sommet de son art, Patrick Modiano livre un texte qui s’inscrit dans une parfaite continuité avec ses précédents ouvrages. On y retrouve la réflexion sur la fuite du temps, le regard à la fois tendre et sans illusion sur la mémoire des êtres et des lieux croisés au hasard de l’existence, le souci de témoigner de la beauté mystérieuse – unique – de Paris. Et, toujours, la même lucidité à propos d’une trajectoire (celle de son héros, son double ? La sienne ?) dans laquelle il ne faut voir, à le suivre, « qu’une suite de ruptures, d’avalanches et même d’amnésies » comme des « frontières confuses » unissant réalité et fiction ( Bosmans n’écrit-il pas un livre au moment où il interroge sa mémoire ? ).

Une nouvelle fois, sous les traits de son alias – Jean Bosmans – nous entraîne-t-il à la rencontre des fantômes de son passé, des femmes et des hommes singuliers, des personnages énigmatiques, parfois inquiétants qui, depuis ses premiers écrits, ne cessent de hanter ses jours et ses nuits. Mais, comme toujours, le dernier mot revient à la Littérature. L’auteur le revendique haut et fort : « ne pouvant revivre le passé pour le corriger, le meilleur moyen pour les rendre définitivement inoffensifs et de les tenir à distance » consiste à « les métamorphoser en personnages de roman ».

M.L

 

Chevreuse

Patrick Modiano

Gallimard, 2021

 

Chevreuse
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