Entre ciel et terre
Entre le ciel et la terre, il y a la mer, celle d'Islande. La terre est celle des fjords déchiquetés, des montagnes vertigineuses, le ciel est celui qui déverse neiges, pluies, glaces.
Dans ces confins, vivent des pêcheurs, survivent des capitaines, se languissent des femmes.
Dans ces confins d'où l'on part pour la pêche à la morue, la frontière entre la vie et la mort est si fine que « seule une maigre planche sépare les hommes de la noyade » dans « la mer rendue salée par les larmes des noyés ».
Rares sont les marins qui rêvent, portés par les livres« seuls remparts contre l'âpreté » ; ainsi vit Barour. Pour avoir trop relu les vers du « Paradis perdu » de Milton, poète aveugle et pour avoir oublié sa vareuse, il mourra de froid. Alors le Gamin , inconsolable, avalant dans la tempête, montagnes et ténèbres, se lancera dans la seule quête qui le retienne en vie : rendre le livre à son propriétaire, un capitaine aveugle. Cette marche forcée, voyage initiatique entre Paradis et enfer (titre original) n'est-elle pas une métaphore de l'existence humaine ?
Ce splendide roman ne serait-il pas le livre du livre, livre écrit par un aveugle, prêté par un aveugle, livre responsable de la mort et livre qui maintient en vie ?
Le lecteur est projeté dans une langue poétique et picturale aux marines grondantes, langue magnifiquement traduite par Eric Boury.
Il y a urgence à le lire.
Un roman remarquable pour rentrer dans l'univers des auteurs nordiques à l'honneur à la comédie du livre 2014.
Jacqueline B et Isabelle L
Entre ciel et terre
Jón Kalman Stefánsson
traduit de l'islandais par Eric Boury
Gallimard 2010