Le Pion
Après « Les Quichottes », voyage dans les territoires désertés de la Laponie espagnole, Paco Cerdà revient, toujours à la Contre Allée, avec « Le Pion » (« El Peón »), un livre qui, au vu des ouvrages cités en référence, est le fruit d’un extraordinaire travail d’investigation.
Et le résultat est passionnant.
À partir des 77 mouvements de la partie d’échecs qui vit s’affronter en janvier 1962, à Stockholm, deux génies de la discipline, Arturo Pomar « le petit facteur espagnol » et Bobby Fisher, l’américain ambitieux et mégalomane, à partir de cette partie donc, Paco Cerdà tisse une histoire politique et humaine qui nous ramène au temps du franquisme et à celui de la guerre froide. Arturo Pomar, « Arturito », le petit Arturo, l’enfant prodige de l’après guerre civile, l’icône du NO DO (ces actualités officielles qui passaient dans tous les cinémas en Espagne), abandonné par le régime, joue sa survie. C’est son ultime chance de participer au championnat du monde. Il est face au jeune Bobby Fisher, le chantre des USA de Kennedy. Deux pions sur le grand échiquier du monde dont, au fil du récit, nous découvrons l’histoire. Et en même temps apparaissent d’autres pions, des pions qui se sont battus au nom d’un idéal, pour le droit et la liberté, qui se sont sacrifiés face au capitalisme ou à la dictature, en Espagne, aux Etats-Unis, au Chili ou ailleurs.
Des pions qui souvent ont été oubliés et à qui l’auteur rend hommage : Julián Grimau, le dernier condamné à mort du franquisme, Marcos Ana, « le doyen de la répression pénitentiaire », James Meredith « le pion le plus noir de toute l’Amérique » qui sera le premier noir « accepté » à l’université du Mississippi, et tant d’autres.
Le récit est précis et rythmé, le style d’une grande fluidité que la traduction épouse parfaitement. Les différents éléments du récit prennent place et s’éclairent les uns les autres, comme sur un échiquier. C’est une belle et grande réussite !
F.J.
Le Pion
Paco Cerdà
Éditions de La Contre Allée